Lorsqu’un événement se termine, un autre commence. John n’a pas vraiment de temps de pause, il doit sans cesse jongler entre différents, projets, différents événements, différentes choses où son expertise est demandée. Il délègue bien sûr à son équipe mais ce n’est pas pour autant qu’il ne gère rien, il a de toute façon du mal à vraiment déléguer, il a tout le temps un œil sur tout. C’est un bourreau de travail, pour le plus grand désespoir de sa famille. Enfin de sa femme et ses enfants parce que ses parents, eux, trouvent qu’il n’en fait pas assez malgré ses heures acharnées de travail. Ils trouvent qu’il ne monte pas assez les échelons, qu’il stagne, que son poste n’est pas assez prestigieux par rapport à ce qu’ils attendaient de lui. S’il n’avait pensé qu’à eux, il aurait sans doute accepté le poste qui lui a été proposé à la maison blanche à la suite des élections, poste pouvant possiblement mener à celui de secrétaire d’état s’il faisait ses preuves. Il a bien hésité mais il ne pouvait pas faire ça à Marisol, ni à ses enfants. Ils ont déjà dû le suivre pour revenir à New-York, sa femme à sa famille ici, c’était impossible d’imaginer déménager à nouveau. S’il lui en avait parlé, elle aurait peut-être dit oui, mais comme souvent il a préféré ne rien dire.

Après les commémorations du onze septembre qu’il a dû gérer en partie, notamment en gérant les délégations étrangères et toutes les relations avec l’étranger, le politicien doit à présent gérer un congrès où sera reçu une délégation du Mexique. Il doit gérer les différents invités, il échange également directement avec le Mexique par rapport à l’organisation de cet événement. Sa position d’ancien ambassadeur au Mexique l’aide beaucoup, c’est sans doute aussi pour ça qu’il a été nommé comme coordinateur et organisateur pour l’organisation de cet événement. Son équipe lui a fourni une liste d’invités potentiels, l’idée étant d’avoir un mélange intéressant de personnes, des politiciens et des diplomates bien sûr mais ils ont également eu l’idée d’inviter quelques bénévoles du parti, triés sur le volet. Parmi la liste fournie, John a le dernier mot sur les invités. Parmi eux, Samuel, un bénévole qu’il connaît pour l’avoir vu à diverses occasions, mais également car il est le meilleur ami de Benjamin, un très bon ami à lui. Il aimerait l’inviter à cet événement mais il ne compte pas simplement l’appeler, pour chaque bénévole invitée, il souhaite d’abord s’entretenir avec eux personnellement. Ayant un nombre important de rendez-vous pour les prochains jours et ayant promis à Marisol d’être présent à la maison plus souvent, il ne pouvait pas rentrer tous les soirs à pas d’heure. Il a donc sélectionné quelques jours où ses journées seraient plus chargées. Il a ainsi donné rendez-vous un peu tard à Samuel, lui proposant de manger un hot-dog ensemble, tout en restant flou sur le sujet du rendez-vous. Pas loin d’immeuble où John travaille, se trouve un très bon vendeur de hot dog, comme il en existe de nombreux à New-York, il trouve ça moins formel qu’un dîner au restaurant, plus rapide également, il n’a pas envie de prendre toute sa soirée à Samuel. En attendant que le jeune homme n’arrive, il se place dans la queue pour commander. « Bonjour ! » dit-il lorsqu’il le voit arriver à sa hauteur.

John a toujours été très sérieux dans son travail, s’impliquant à 200 % dans les tâches qui lui sont confiés. C’est un homme sérieux sur qui on peut compter, au moins professionnellement. Forcément, avec toute l’implication dont il fait preuve dans son travail, il a du mal à être présent souvent chez lui, auprès de sa famille. C’est un sujet de discorde régulier entre lui et sa femme, Marisol. Pourtant il la remercie chaque jour au fond de lui d’être toujours là le soir lorsqu’il rentre et de ne pas avoir pris la fuite avec un amant qui saura prendre du temps pour elle et les enfants comme devrait le faire un bon père et un bon mari. Lorsqu’ils se sont rencontrés, au Mexique, il ne travaillait pas autant. Enfin, il a toujours été du genre à avoir des journées bien chargées mais la frontière entre sa vie professionnelle et sa vie privée étaient bien plus marquées : hors de question de travailler le week-end, rentrer rarement le soir après l’heure du dîner, assister aux événements concernant les enfants et passer du temps du temps en amoureux avec sa femme. Aujourd’hui il se retrouve à manger un hot-dog pour discuter avec un potentiel futur invité pour l’un des événements qu’il organise, sa vie professionnelle empiète allègrement sur le reste. Il fait des efforts mais il sait que c’est encore bien trop peu pour avoir réellement une vie bien équilibrée. Il ne devrait pas si dur de rentrer tous les soirs avant le repas et d’être présent aux compétitions de natation de sa fille sans qu’on le prévienne un mois à l’avance.

Le politicien se dit qu’au moins avec un hot-dog il ne rentrera pas si tard chez lui. Les enfants seront sans doute couchés, le temps qu’il fasse le trajet de Manhattan jusqu’à Staten Island mais il pourra peut être passer un peu de temps avec Marisol, c’est toujours mieux que rien. Tandis qu’il attend dans la queue, Samuel arrive. Ils pourront un peu discuter en attendant de pouvoir commander. C’est ça d’aller chez l’un des vendeurs les plus réputés, au milieu des bureaux où beaucoup d’autres hommes et femmes en costumes viennent prendre quelque chose à manger avant de retourner travailler jusqu’à pas d’heure. « Non ne t’inquiète pas. De toute façon avec la queue je n’aurais pas eu mon hot-dog toute suite. » déclare-t-il lorsque le jeune homme lui demande s’il ne l’a pas fait attendre. « Oui, je suis heureux que tu aies accepté mon invitation. J’espère que ça ne te dérange pas qu’on se voit si tard. » Pour lui ce n’est pas vraiment tard mais tout le monde n’a pas la même conception des horaires de travail que lui. « Et toi, tu vas bien ? » lui demande-t-il alors, lui retournant sa question. Ils ne se connaissent pas beaucoup tous les deux mais ce repas est l’occasion pour eux d’apprendre à mieux se connaître, du moins pour John de mieux cerner Samuel et s’assurer qu’il correspond bien au profil qu’il souhaite pour le congrès avec le Mexique.