Winter Is For Lovers

Il a raison. Oh, ce que j’aimerai dire qu’il a tort mais ce serait mentir effrontément. Lorsqu’on m’a annoncé que j’étais atteinte d’un cancer, je me suis renfermée et ai commencé à prétexter qu’Aleksej pouvait prendre du temps pour lui avant de s’occuper de moi. Ce qu’il a fait. Et je lui en ai voulu, beaucoup voulu. Ce que je n’aurai pas dû mais j’ai étais incapable de m’en empêcher. Il y a des fois où je dois admettre ne pas me comprendre moi-même alors les autres… Dieu seul sait ce qu’ils doivent penser de moi. Et encore, je ne suis pas certaine qu’il en sache beaucoup plus, surtout vu ma non-loyauté à son égard. Cela se saurait si je croyais à une entité au-dessus de ma tête.

– Je…je suis désolée.

Non, je ne trouve rien de mieux à dire. Oui, c’est pitoyable pour l’avocate que j’étais. Aleksej a au moins eu le mérite d’exposer son cas dignement tandis que moi, tout ce que je trouve à faire ; c’est présenter mes excuses. Et encore, suis-je véritablement en train de le dire ou est-ce juste un automatisme de politesse ? Est-ce que je sais seulement où j’en suis vraiment dans la vie ?

– Avant je… Avant, tout ce que je voulais c’était me protéger parce qu’il n’y avait que ça à faire. Mais aujourd’hui, tout est différent. Il y a deux humains supplémentaires sur lesquels je ne peux pas ne pas veiller H24. J’ai conscience que tu penses – à juste titre ou non, je n’en sais rien – que je fais ça uniquement par devoir mais je ne peux et ne veux pas revenir en arrière.

Mais Aleks a raison lorsqu’il dit que j’aurai dû le consulter.

– La vérité c’est que… je ne t’ai pas demandé ton avis parce que je craignais que tu me répondes non.

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Les paroles de Solveig n’étaient pas réellement une surprise. Les sous-entendus et les non-dits avaient été légion ces dernières semaines. Mais au moins elle lui parlait. Il était plus que nécessaire de mettre cartes sur table ou les silences les emporteraient dans une spirale de frustration qui finiraient par briser ce qu’il y avait d’amour entre eux deux. C’était ce qu’il s’était passé avec Lena. Aleksej en prenait alors pleinement la mesure et était conscient qu’il avait une grosse part de responsabilités dans l’effondrement de son premier ménage. Aujourd’hui, il avait l’opportunité de réajuster le tir avant que des dommages irréversibles ne soient causés. Du moins, il l’espérait.

“Ce n’est pas ce que je pense… J’ai eu l’occasion de t’observer en présence d’enfants. De voir que ce n’était pas ta tasse de thé. Là, c’était différent.”

Il avait en tête les après-midi de baby-sitting improvisées, les enfants de Callie ou bien encore Saeed. Mais aussi sa gêne vis-à-vis de William quand il avait présenté son nouveau-né.

“Tu aurais pu choisir de passer ton chemin. Décider que les enfants seraient mieux avec les Porter et que tu n’étais pas faites pour les élever. Que la meilleure chose à faire pour honorer les enfants de tes amis seraient de les laisser à quelqu’un de plus compétent. Mais tu ne l’as pas fait. Tu as choisi de foncer quelles que soient les difficultés que tu pourrais rencontrer. Et je n’ai jamais été aussi fier d’être ton mari. Mais il n’y avait pas que ça…”

Un pressentiment qu’il avait eu. Une opportunité qu’elle avait saisie. Une part d’elle cachée à elle-même. Il ne lui avait pas fallu plus que quelques jours pour réaliser l’évidence.

“Je l’avais déjà remarqué dans ton comportement très protecteur vis-à-vis de Stan… Bien sûr, il y a la loyauté, les promesses… mais c’est ton instinct maternel qui t’a poussé à prendre cette décision. Dieu sait que j’aime profondément cette partie de toi à laquelle je n’avais pas accès jusqu’à présent… paradoxalement, je me suis senti profondément blessé…”

Peut-être qu’elle le prendrait pour un fou. Pour un égoïste. Mais il ne contrôlait pas ce sentiment irrationnel. Ce qu’il pouvait faire de mieux était de se montrer honnête et de reconnaître qu’il avait des profondes insécurités. Sauf que ça, elle le savait déjà. Et que c’était peut-être le fond du problème.

“Tu.. Tu n’as jamais évoqué le souhait ou l’envie de fonder une famille avec moi…”

Et quand il avait fallu prendre cette décision, elle avait fait cavalier seul. À présent, elle reconnaissait le fait qu’elle ne lui avait pas demandé son avis. Qu’elle l’avait exclu de cette décision de peur de sa réponse.

“J’aurais aimé que tu puisses me donner le bénéfice du doute. Je n’ai pas su être à la hauteur de ta confiance et j’en suis sincèrement navré.”

Elle ne se sentait pas assez en sécurité avec lui, dans leur couple pour s’en remettre complètement à lui. Il avait échoué superbement.

“J’aurais pu te surprendre. Si tu m’en avais laissé l’opportunité.”

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– Aleks, je ne savais pas moi-même que c’était une possibilité…

Avoir des enfants, j’avais tiré un trait dessus lors de ma fausse couche il y a plus de dix ans de cela. Je me suis formée une telle carapace de protection après cet événement que j’en suis arrivée à me convaincre que je ne voulais vraiment pas avoir de progéniture. Comment, ainsi, aurai-je pu ne serait-ce qu’entretenir une conversation à ce sujet ? Comment aurais-je été en mesure de changer un discours tenu et crû depuis une dizaine d’années ? Impossible.

– Est-ce que tu considères que ça change quelque chose de concret dans notre relation ?

J’ai parfaitement conscience de la portée de mes mots et des conséquences potentielles de cette question. Mais j’ai vraiment besoin de savoir, de comprendre son point de vue. M’aimera-t-il moins maintenant qu’il me voit comme une mère en plus d’une femme ? Pense-t-il que je lui ai menti depuis que nous sommes ensemble (alors que ce n’est véritablement pas le cas) ?

– L’arrivée de Tim et Ellie change tout, j’en ai conscience, d’accord ? Et non, je ne m’attendais pas à avoir un tel comportement à leur égard… Maintenant, j’ai besoin que tout le monde comprenne - toi y compris - que je ne changerai rien. Je ne veux pas qu’ils partent. J’ai envie qu’ils fassent partie de notre vie. Notre vie, Aleks. Pas uniquement de la mienne. Quand tu m’as dit que s’il venait à m’arriver quelque chose, tu ne serais rien pour eux… Non, c’est faux. Autant sur un plan moral que sur le plan légal et tu le sais. Tim est constamment accroché à toi, tu penses sincèrement qu’il ne te voit que comme un porte biberon ? Et Ellie ? Elle est déjà totalement fan de tes histoires. Qu’on le veuille ou non, toi et moi, on change complètement la donne pour eux. On est la seule chose de stable après la mort de leurs parents et je ne veux pas qu’on perde ça : aucun de nous.

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Aleksej l’observa longuement. S’il avait pu arrêter le temps et se contenter de passer l’éternité à la regarder, il l’aurait fait. Un arrêt sur image. Un arrêt sur les doutes et les états d’âme. Il fallait qu’il cesse ces tumultes incessants dans son esprit. Refermer les boîtes. Remettre de l’ordre sur les étagères. Laisser les étoiles là où elles étaient. Il l’avait déjà fait. Il devrait être capable de le faire encore. Pour le bien de tous.

“Non… Ça ne change absolument rien.”

Peu importait la manière tant qu’elle le laissait l’aimer. Il n’avait besoin de rien d’autre sinon de faire partie de sa vie. Il prendrait la place qu’elle lui donnerait. Il jouerait les rôles qu’elle lui attriburait. Elle avait raison. Il ne s’agissait pas de faire un choix. Parce que si elle devait choisir, ce ne serait pas lui qui passerait la ligne d’arrivée. Et cette option, il ne pouvait pas l’envisager. L’assentiment était le seul chemin envisageable. Sans questionnement.

“Je comprends, Solveig. J’ai entendu et je comprends.”

Il était temps qu’il arrête de se battre contre lui-même. Peut-être aussi temps de retourner voir un professionnel. Quelqu’un qui ne le connaissait pas, à qui il pourrait parler sans affect et se libérer de ses tourments. Il avait des responsabilités à prendre et ne pouvait plus se permettre des moments de faiblesse. Il devait se montrer à la hauteur de la tâche. Il ne pouvait pas faillir une seconde fois.

“J’ai entendu ce que les enfants représente pour toi et je ne remettrai pas ça en question.”

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Pour être tout à fait sincère, je ne sais pas faire de ses dernières paroles. Est-il en train de lâcher les armes ? A-t-on enfin réussi à se retrouver sur la même longueur d’onde ou fait-il profil bas pour me laisser gagner une victoire dont je ne veux pas si elle signifie qu’elle va nous éloigner l’un de l’autre ?

– J’ai besoin de nous, Aleks, dis-je dans ce qui s’apparente plus à un murmure qu’à autre chose. J’ai peur que cette conversation nous mène sur un terrain miné. Je ne veux pas le perdre. L’épouser à été un saut dans l’inconnu que je ne regrette pas un seul instant mais il a eu raison tout à l’heure en disant que nous nous sommes précipités. Qu’il soit question de notre relation amoureuse, de notre emménagement ou encore de notre union officielle…oui, il a raison, nous avons été très vite. Peut-être trop vite. Mais je ne le regrette pas.

– J’ai simplement peur que- Que mes attentes soient finalement trop grandes et que je sois en train de t’imposer un mode de vie qui ne te convient pas.

Au fond, je pensais qu’accueillir les enfants serait également une évidence pour Aleksej. Je pensais qu’il serait le plus heureux des hommes en (re)devenant une figure paternelle. Pas un seul instant n’ai-je pensé au fait que je le poussais dans un bourbier duquel il ne saurait pas se dépêtrer.

– Tout ce que je veux dire c’est que-
– Daaaaaaaaaaaadaaaaaaaaa !

Tout ce à quoi je pensais s’envole en fumée lorsque la voix perçante de Tim nous parvient depuis la pièce d’où il dort. Je tourne la tête vers la source du bruit puis de nouveau vers Aleks.

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Aleksej se mordit la lèvre inférieure tout en sondant la jeune femme. Il savait que les paroles qu’ils échangeaient pourraient avoir un impact déterminant sur la suite des évènements. Mais est-ce que les non-dits n’en avaient pas déjà eu un ? En tout cas, ils parlaient, ce qui était déjà une bonne chose en soi. Le Danois caressa doucement la joue de sa femme. Il aurait voulu que les choses soient plus simples. Que son esprit ne parte pas dans des réflexions si alambiquées. Mais il ne savait pas comment faire.

“J’ai choisi de t’épouser. Et j’ai choisi cette vie, quelle que soit la tournure qu’elle prendrait.”

Il ne voulait pas qu’elle pense qu’il n’était pas à la hauteur. Qu’elle continue de croire qu’il n’était pas assez robuste pour la soutenir en toute circonstance. Il lui fallait changer de stratégie. Elle avait besoin d’un homme constant, solide. Et il s’éverturait à être cet homme-là. Parce que l’amour qu’il éprouvait pour elle valait bien plus que ça. Il devait être l’homme de la maison, comme s’était efforcé de lui répéter son père des années durant.

Solveig n’eu pas l’occasion de terminer sa phrase et peut-être qu’il en était mieux ainsi. La voix familière de Tim s’élevait depuis la chambre d’enfant. Rappel que le monde ne s’était pas arrêté autour de Solveig et d’Aleksej. Cette bulle-là faisait partie du passé. Un peu comme Maroon qui n’avait eu de cesse de les rappeler à la réalité lorsqu’ils s’oubliaient un peu trop longtemps. Un fin sourire étira ses lèvres, alors qu’il adressa un regard malicieux à la jeune femme.

“Ça sonnait plutôt comme Solveig ou comme Aleksej. Je pense que ça sonnais plutôt comme Solveig.”

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Au fond, tout ce que je souhaite c’est que nous formions à nouveau cette belle équipe que nous étions au début. Nous le méritons, peu importe l’opinion des autres autour. Les enfants doivent être la preuve ultime que nous sommes solides - ce que je crois sincèrement.
Mes doigts viennent s’entrelacer aux siens après l’appel de Tim que le danois juge comme étant un appel à moi. Je ne suis pas d’accord avec ça. Ce simple moment est parfait pour mettre en pratique la force de notre équipe.

– C’est un “dada” et puisque nous n’allons pas commencer à tirer des plans sur la comète, nous allons y aller ensemble, dis-je en l’attirant là où Tim est censé dormir.

Le mot “censé” résume très bien les choses puisque nous retrouvons le petit bout de vie sur ses deux jambes, accroché aux barreaux comme si sa vie en dépendait. J’attire Aleks avec moi vers le lit et je souris au petit garçon.

– N’êtes vous pas censé vous reposer, jeune homme ?

Comme s’il comprenait parfaitement ce que je viens de lui demander, Tim se met à sourire de toutes ses minuscules dents dont j’ai l’impression qu’elles n’en finissent plus d’apparaître.

– Dada ! répète-t-il et cette fois, il n’y a pas de doute. Ni Aleks ni moi ne pouvons prétendre être durs de la feuille. Tim maîtrisait déjà ce mot avant d’arriver chez nous mais il ne l’avait pas prononcé depuis…eh bien, depuis l’accident de voiture, à vrai dire.

Je me tourne vers le danois et me mords la lèvre inférieure, de peur qu’il réagisse mal, qu’il ait peur ou qu’il pense qu’on se fourvoie alors que l’évidence est sous nos yeux. Nous devions nous y attendre. Fox n’a eu de cesse de me le répéter ces dernières semaines mais j’ai tout fait pour ignorer ses propos à ce sujet.

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Aleksej se laissa entraîner par la jeune femme à l’étage inférieur. Il n’avait pas remarqué tout le temps qui était passé jusqu’à ce que Tim se manifeste. C’est seulement en se levant qu’il réalisa que sa sieste à lui était passée à la trappe. Il tenterait de se rattraper plus tard. Le week-end ne faisait que commencer. Mais avec deux petits bolides branchés à l’Energizer, ce n’était pas toujours évident d’arriver à trouver un peu de temps pour se poser. Au moins la neige et le froid avaient mis KO Elisabeth qui semblait encore dans les bras de Morphée.

Pour Tim, c’était un peu différent. Quelque soit les activités de la journée, il ne manquait jamais l’horloge. Cette précision avait le don de rendre Aleksej relativement admiratif, même si parfois il n’aurait pas dit non pour un peu de rab. Le sourire de Tim réchauffait toujours le coeur du Danois. Il observait sa femme et il voyait bien dans son regard qu’elle tentait de faire son point. Après la discussion qu’ils venaient d’avoir, il ne voulait pas tourner un peu plus le couteau dans la plaie. Il s’approcha donc du lit et se pencha pour prendre dans ses bras le petit garçon emballé dans sa turbulette.

“Ouuuuhhhhhh, ce que tu sens mauvais. On va mettre le hola sur les artichauts pendant quelque temps, hein mon gars. Dada, je ne sais pas, mais caca pour sûr.”

Aleksej venait mordiller doucement le creux de l’oreille du bambin ce qui le fit s’esclaffer. Il se tourna vers Solveig, un large sourire aux lèvres, non sans arrière-pensée. S’il n’avait aucun problème pour changer les couches, il n’en était pas moins joueur.

“Et regarde qui est là pour te faire un gros câlin et changer cette couche bien pleine… C’est Sooolveeeiiiiiiig….”

Il tendit le petit garçon vers la jeune femme sans crier gare. Et ce jeu-là faisait autant rire le petit garçon que le grand imbécile. C’est le moment que choisi Elisabeth pour faire irruption dans la chambre, les cheveux un peu hirsutes et la trace de l’oreiller sur la joue.

“C’est l’heure du goûter ?”

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Loin de moi l’idée de vouloir jouer les naïves, je sais pertinemment qu’Aleks ne rentrera pas dans mon jeu du “regarde, il t’a appelé dada”. Il est plus intelligent et plus prudent que cela. Pourtant, je dois bien admettre que cela m’arrangerait. J’aimerai qu’on lâche prise, lui et moi mais j’ai l’impression que dès qu’il le fait, c’est moi qui deviens quasiment sectaire. Cela n’a strictement aucun sens surtout quand on sait que tout ce que je veux pour être c’est d’être cette équipe forte et soudée dont je n’ai de cesse de parler.

– Ah non, non, non, non, dis-je alors qu’Aleks commence à me tendre Tim dont il faut changer la couche. C’est absolument hors de question, je refuse d’être soumise à une telle vengeance de sa part. “C’est toi qui lui fais bouffer des trucs bizarres aussi, c’est injuste que ce soit à-”

Je ne terminerai pas cette phrase car Ellie vient de faire son apparition. Elle est dans tous ses états, la preuve ultime qu’elle a bien dormi. Comme quoi, la sieste apaise tous les maux. Nous aurions peut-être dû en faire une aussi… Ah oui, pardon, c’est moi qui ai interrompu Aleks dans son repos plus tôt.


– Salut ma puce, tu as bien dormi ?
– Vous avez crié.

Et merde.

– Ellie, hm…
– Vous voulez pu de nous ?

Est-ce que quelqu’un aurait pu avoir la bonté de me dire qu’une enfant d’un si jeune âge pouvait briser le coeur d’une personne adulte sans prévenir ? Non ? Bien-sûr que non, il n’y a pas de fichu manuel du tuteur ou de la tutrice parfait(e) j’imagine.

– Quoi ? Non, Ellie ce n’est pas du tout… On a eu des mots forts mais c’est de ma faute, d’accord ? J’ai fait des erreurs et Aleks était triste à cause de ça.

Je sais qu’il n’est pas exactement dans mon habitude de reporter les fautes sur ma propre personne mais là, je n’ai pas le temps de réfléchir et à peser le pour et le contre de notre dispute. Mon égo devra faire avec pour cette fois.

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La présence des enfants avait toujours le don d’apaiser un peu l’atmosphère. Quand il était avec eux, Aleksej switchait complètement pour se mettre à leur disposition. Une sorte de Dr Jekyll et Mister Hyde. Comme un instinct naturel. Quand il s’occupait d’eux, rien ne semblait compliqué. Il se laissait aller à une douce illusion. Un petit rire s’échappa de ses lèvres en voyant Solveig lever les bras en avant pour éviter l’attaque nauséabonde du Danois.

“La diversification est très importante à cet âge-là. En plus il adore ça. Hein que tu les aimes mes bonnes purées ?”

En signe d’affirmation, Tim frappa dans ses mains en gazouillant. Ce petit jeu ne dura pas très longtemps. Malgré qu’ils aient profité de l’heure de la sieste pour avoir cette discussion, il semblait bien qu’Ellie ait réussi à en attraper quelques miettes. Les sourcils du Danois se froncèrent en entendant la question de la petite fille. C’était bien la dernière chose qu’il souhaitait. Il fut plutôt surpris par la manière dont Solveig géra ça. Son regard se posa sur elle avant de se tourner à nouveau vers la petite fille.

“Tu sais, parfois Solveig et moi, nous ne sommes pas d’accord. Et c’est important d’en parler.”

Il se mit accroupi, pour pouvoir se trouver à hauteur de la petite fille. Tim toujours dans les bras, il savait qu’il paierait le moment de se relever mais la situation était trop importante pour la prendre à la légère.

“Mais ça n’a rien à voir avec toi, ou avec Tim. Vous n’avez rien fait de mal et on ne vous laissera jamais seuls. D’accord ?”

Elisabeth acquieça timidement.

“Tu veux bien le répéter ?”

“Vous nous laisserez jamais seuls.”

“Jamais.”

Aleksej caressa doucement la joue de la petite fille avant de venir déposer un baiser sur son front. Elisabeth vint se blottir tout contre Aleksej et Tim et il lui caressa doucement le dos. Le regard d’Aleksej se dirigea alors sur sa femme.

“Un câlin à quatre têtes ?”

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Faire souffrir les enfants tout comme faire souffrir Aleks sont les dernières choses que je veux. Lorsque j’entends Aleks dire à Ellie que nous nous sommes juste disputés parce que nous n’étions pas d’accord sans que cela n’ait de lien avec elle et son frère… C’est un mensonge mais honnêtement, c’est encore la meilleure version que l’on puisse donner à une enfant de l’âge d’Ellie.

Je les observe et réalise à quel point la présence d’Aleks n’est pas négociable. Que ferai-je avec les enfants s’il venait à me quitter ? Je sais qu’il n’a eu de cesse de me dire qu’il ne le ferait pas mais…s’il craquait ? S’il en avait assez, un jour, de mes conneries ? Je sens une petite boule de stress se former dans ma gorge tandis que le danois embrasse Ellie sur le front en la rassurant comme il peut. Égoïstement, j’aimerai qu’il en fasse de même avec moi, là, maintenant. Parce que j’ai sincèrement peur de le perdre.

C’est sans un mot que je m’agenouille et rejoins Aleks et les enfants pour un câlin improvisé. Si ce seul geste peut rassurer Ellie, je suis preneuse. Encore une fois, je ne veux pas qu’elle souffre ou qu’elle ait peur qu’on l’abandonne. J’ose croire ce qu’a dit Aleks : il ne les abandonnera jamais, ce qui signifie qu’il ne m’abandonnera jamais non plus. Je sais; c’est égoïste mais je ne peux pas m’en empêcher.

– On est une équipe maintenant, d’accord, Ellie ?

La petite ne répond pas mais finit tout de même par hocher de la tête avant d’enrouler ses bras autour du cou d’Aleks. Mais sinon c’est moi qu’ils préfèrent, hein ? J’ai presque envie de lever les yeux au Ciel mais je n’en fais rien. Au fond, c’est mignon et si les enfants se sentent en sécurité en présence d’Aleks, j’estime que nous avons tout gagné. Le reste n’a aucune espèce d’importance.

– Une équipe, répété-je en regardant Aleks droit dans les yeux pour qu’il comprenne que je le pense réellement.

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Le fait qu’Elisabeth passe ses bras autour de lui, lui permit de libérer le bras dans lequel il ne portait pas Tim. Il passa sa main contre la nuque de Solveig et l’attira un peu plus vers lui avec douceur. Les paroles de la jeune femme n’étaient pas anodines. Parfois ses regards disaient plus que ses mots. À cet instant présent, elle s’évertuait à faire passer son message. Et si la communication n’était pas toujours leur fort, le Danois en avait parfaitement saisi la teneur. Il approcha son front de celui de sa femme et frotta doucement son nez contre le sien avant de venir déposer un baiser sur ses lèvres. Contre lui, il sentit la petite fille se mettre à glousser.

Ses lèvres contre celles de Solveig, il n'a pu s’empêcher de sourire. Les enfants avaient toujours des réactions fascinantes face à l’amour des adultes. Il aurait pu rester comme ça un certain temps, si les petites mains de Tim n’étaient pas venues se mettre en travers de leurs visages. Lui n’avait aucune notion de l’intimité et quand il voulait quelque chose, il le faisait très bien comprendre, malgré le nombre limité de syllabes qui composait son vocabulaire.

“Doucement, Tim… Oui, on va y aller. Toi aussi tu attends le goûter.”

La petite fille se défit de son étreinte et s’éloignait déjà, prenant la main de Solveig pour l’inciter à la suivre. Ces deux gosses étaient des estomacs sur pattes mais Aleksej ne pouvait pas prétendre faire mieux. Si Tim était prêt à suivre l’élan de sa sœur, son visage montra son mécontentement alors qu’Aleksej prenait le chemin inverse de celui de l’étage où se trouvait la cuisine et donc le goûter.

“Toi et moi on va d’abord se débarrasser de ce bon gros caca, mon p’tit loup.

Une fois la guerre aux couches sales menées, Aleksej rejoignit les filles qui avaient déjà commencé la collation dans la cuisine. Il assit Tim dans sa chaise haute qui salua l’initiative en frappant dans ses mains.

“Est-ce qu’ils arrêtent jamais de manger ?”

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Impossible de ne pas relâcher la pression en entendant Aleks me demander si les enfants arrêtent parfois de manger. Je secoue la tête alors que la petite m’attire aussi vite que possible en direction de la cuisine : comment a-t-elle réussi à retenir le chemin aussi rapidement ?

– Ma théorie ? Ils vont bouffer notre retraite avant même qu’on ait atteint l’âge, dis-je avant d’attraper Ellie pour la porter complètement.

– On peut manger des appelskrive ?

Je me tourne vers le danois et ris à pleins poumons. Doit-on s’attendre à ce que cette enfant se mette à parler danois sous peu tant qu’à faire ?

– Là, mon vieux, je suis désolée de te dire que c’est de ta faute. Tu as créé un monstre.

Ce n’est pas comme s’il n’en avait pas déjà créé un avec ma propre personne. J’adore les æbleskiver et le seul fait de constater qu’Elizabeth les aime aussi me ravit au plus haut point. J’ai quelqu’un dans mon équipe dorénavant, une fille qui plus est, ce qui signifie qu’Aleksej ne résistera jamais très longtemps avant de consentir à nous en cuisiner. Ce n’est pas comme si nous n’avions pas le matériel pour, qui plus est.

– On peut en avoir Aleeeeeks ?

Je lève les yeux au Ciel en écoutant Ellie. Elle sait pertinemment qu’il ferait n’importe quoi pour elle. Manipulatrice hors pair qu’elle est !

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Le réveil des enfants, la confrontation avec les émotions d’une petite fille de cinq ans et un câlin à quatre têtes avaient immanquablement fait retomber la pression. Peut-être pour le mieux. Il ne savait pas si l’interruption de leur conversation par Tim était un signe mais c’est comme ça qu’il avait décidé de l’interpréter. Aleksej n’aimait pas ce jeu d’équilibriste. Fini la tête dans les nuages, il fallait remettre le pied au sol. S’ancrer. Prendre ses responsabilités et faire ce qu’on attendait de lui.

Une fois Tim changé, il remonta dans la pièce principale dans laquelle les y attendaient les filles. La discussion avait repris son petit train-train, comme si de rien n’était. Un soulagement, finalement. Il ne pouvait pas continuer à creuser toujours plus loin dans sa propre introspection. Un léger sourire vint étirer ses lèvres en entendant Solveig éclater de rire. C’était un son plaisant qu’il n’entendait pas assez souvent. Lui ne la faisait pas rire comme ça. Il adressa un clin d’oeil à Ellie, une manière de la mettre dans la connivence. Il se souvenait d’avoir refusé cette faveur-là à Solveig tant qu’elle n’arrivait pas à prononcer le mot dans son plus beau danois.

À cette époque, tous les deux jouaient à un autre jeu. À présent, il était question de jouer au papa et à la maman et ma foi, Aleksej n’était pas mauvais dans ce domaine-là. Il avait encore des restes et eu certaines occasions de se rafraîchir la mémoire avec les enfants de Callie. La coparentalité avec Solveig était nouvelle, elle. Presque six mois étaient déjà passés et il était temps de souscrire définitivement à ce nouveau mode de vie. À ces nouveaux statuts qui étaient à présent les leurs.

“Allez, exceptionnellement. Mais généralement, on les garde pour célébrer quelque chose ou alors pour un gros chagrin. Et fait attention à Solveig… en un battement de paupière, elle est capable de faire disparaître une assiette entière…”

La petite fille ouvrit de grands yeux avant de se retourner vers sa femme, mi-choquée mi- abasourdie par l’exploit. Elle garda un moment ses grandes prunelles bien ouvertes comme si elle avait peur de cligner ne serait-ce qu’une fois.