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(annley) and whatever you do you'll always feel the same as someone else

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Sam 10 Déc - 21:15
Près de trois ans qu’Anneke n’avait plus quitté New York, ni pour le travail, ni pour le plaisir de voyager – ce qui, dans son ancienne vie, relevait plus ou moins de la même chose. Elle avait évité tout ce temps de reprendre la route pour plusieurs raisons plus ou moins conscientes, de la plus évidente (l’angoisse sourde de ce que pouvait provoquer en elle le moindre souvenir de tournée) à la plus ridicule (la perspective de passer plus de quarante-huit heures d’affilée loin de son colocataire, un fait dont elle n’avait pris conscience que bien tardivement, à savoir environ six mois auparavant). Même rendre visite à son père sur une étape de tournée ne lui avait rien inspiré de bon. Ann s’était contentée, pendant tout ce temps, de profiter des quelques rares visites qu’il lui avait payées à New York et de ses coups de fils journaliers, suffisants pour maintenir l’illusion que tout allait bien et l’empêcher de s’inquiéter pour elle, pas assez pour que le manque ne la renvoie pas régulièrement dans des épisodes d’intense tristesse. Episodes qu’elle canalisait de mieux en mieux à présent, au fil des semaines, des mois qui défilaient devant elle, apportant avec eux tout un lot de signes qu’elle s’accoutumait à sa situation.

Depuis peu également Anneke reprenait sa vie en main, un effort qu’elle qualifierait de ridicule mais qui relevait à vrai dire plutôt du surhumain lorsqu’on prenait un peu de perspective sur ce qu’elle avait pu vivre. Le psy qu’elle s’était résolue à consulter après une énième discussion avec Wes sur les bienfaits que le sien lui avait apportés n’avait de cesse de poser le mot dépression sur tout ce qu’elle minimisait depuis si longtemps, et à vrai dire, alors que la pièce commençait à tomber et qu’elle tournait et retournait dans son esprit la liste des pours et des contres, elle semblait aujourd’hui presque prête à prendre la main qui lui était tendue. Le lancement de son podcast avait été une réussite également, lorsqu’on prenait en compte le caractère de niche du sujet qu’elle y abordait. Quant à sa vie professionnelle – la vraie, celle qui lui permettait de se nourrir sans avoir à trop toucher à cet argent que son père semblait déterminé à continuer de lui envoyer comme s’il ne savait plus quoi faire de ses cachets (et à vrai dire, c’était probablement le cas) -, une seule grosse ombre aurait pu venir entacher ce tableau positif, à savoir la démission qu’elle avait remise sur un coup de tête après une séance relativement pertinente mais néanmoins mouvementée chez son psy, encore lui. Une décision qui aurait pu relever de la catastrophe si elle n’avait pas une bonne étoile et un CV en or massif qui lui avaient permis de retrouver un job presque aussitôt, dans une salle qui lui conviendrait bien mieux, à deux pas de chez elle, et avec la perspective d’enfin mettre ses compétences à profit plutôt que de s’ennuyer à mourir derrière un bar.

Et entre la fin du premier contrat et le début du suivant, un mois de liberté. Et si la perspective de passer trente jours en la compagnie exclusive de Wes l’avait remplie de joie, elle était moins sûre d’apprécier l’idée de rester enfermée à l’appartement. A New York tout court, à vrai dire, qu’elle avait passé des mois à considérer comme une espèce de prison à ciel ouvert sans avoir ni le courage ni la possibilité matérielle de s’en échapper. Alors, comme un besoin de retrouver d’une certaine manière ce qu’ils avaient tous les deux perdus, l’idée d’un road trip avait pointé le bout de son nez, d’abord sous la forme d’une blague. Puis, lorsqu’ils s’étaient retrouvés avec un itinéraire planifié sur trois semaines et que l’excitation les avait rongés tous les deux, que l’historique de recherche d’Anneke ne contenait plus que des blogs de voyage et autres sites de musées en tous genres et que la date de la fin de son préavis arrivait à grand pas, la location d’un véhicule suffisamment spacieux pour baisser les sièges et y installer un matelas n’avait été qu’une évidence.

Aujourd’hui, après près de deux semaines à sillonner les Etats-Unis d’est en ouest, effectué un pèlerinage musical à Nashville et Memphis, profité de la vie nocturne de Las Vegas et réalisé quelques rêves de nerds à Los Angeles pour le plaisir de Wes, le couple passait sa première nuit au point final de leur voyage avant le trajet retour : San Francisco. En tant que point culminant de cette période de vacances bien méritées, Anneke avait bien organisé les choses, préférant passer quelques nuits dans un hôtel presque un peu trop fancy pour eux qu’à l’arrière du SUV ou à un motel choisi au hasard sur le bord de l’autoroute. De bien des manières, ce voyage avait un arrière-goût de nostalgie du passé, et bien qu’agréablement satisfaite de retrouver des sensations perdues depuis trois ans, Ann voulait que ce premier trip en amoureux représente bien plus qu’une simple illusion de tour bus. Bref, les petits plats étaient mis dans les grands pour ces quelques jours à San Francisco, Ann se sentait plus amoureuse que jamais, et rien, pas même son anxiété qui pointait malgré tout quelques fois le bout de son nez, ne pouvaient effacer l’immense sourire qui lui illuminait le visage.

S’ils se nourrissaient presque exclusivement de repas pris sur le pouce, principalement dans des conserves ou des sandwiches d’autoroute, ce soir, la brune avait décidé de se faire plaisir jusqu’au bout. C’est donc autour d’un brasero et d’une planche apéritive, dans une espèce de guinguette non loin d’un point de vue sur la plage – tout à fait le genre de chichis qu’ils ne s’étaient jamais offerts en la présence de l’autre, et en ce qui concerne Ann, probablement jamais tout court – que les deux tourtereaux se retrouvaient ce soir. L’appartement de l’East Village était loin dans l’esprit d’Anneke, il ne lui manquait d’ailleurs pas un seul instant malgré tout l’amour qu’elle lui portait.

« Hey, babe », lança-t-elle tout d’un coup en chipant une olive dans le plat devant elle. « Can we get shitfaced tonight and regret it tomorrow ? J’en ai peut-être bien envie. Et on est restés plutôt sages je trouve depuis qu’on est partis. » Ann lève les yeux vers Wes et pose une main sur la sienne. Avec ce geste aujourd’hui anodin, l’ombre d’un souvenir lui revient en tête, et elle étouffe un rire avant de s’expliquer : « A few months ago I couldn’t even do that, like, touching your hand without feeling guilty. It’s funny, when you think about it, how things have changed. » De sa main libre, elle attrape son verre et hausse les épaules. « To us, I guess ? Je suis contente qu’on fasse ça. Si tu m’avais dit y’a trois mois que je serais en train de prendre l’apéro à San Francisco après avoir quitté mon taf j’y aurais pas cru, mais on y est. Et vraiment, c’est cool. »

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Sam 24 Déc - 17:04
TW : mention rapide de dépression

Depuis que la dépression s'éloignait petit à petit, Wes vivait une sorte de printemps des sens, il re-découvrait la moindre sensation avec émerveillement. Toutes ces petites choses qui le blasaient il y a quelques mois, qu'il ne voyait même plus, trop obnubilé par ses angoisses, il apprenait à les aimer à nouveau. Le plaisir d'un café chaud au réveil, le charme de New York en hiver, le parfum du gel douche d'Anneke… Le musicien avait retrouvé un rythme de travail soutenu, ça structurait ses journées et stimulait son cerveau. Loin de l'influence d'un groupe et de la pression des labels, il s'essayait à des choses qu'il n'avait jamais eu l'occasion d'explorer. Évidemment, son rapport à la création ne s'était pas subitement assaini, les doutes ne s'étaient pas évaporés, et il arrivait encore qu'il soit chafouin pendant quelques jours, persuadé qu'il n'avait pas le talent nécessaire pour se faire tout seul. Mais il suffisait qu'il en parle à son psy, ou qu'Ann lui remonte les bretelles, pour qu'il se reprenne en main aussi sec. Wesley se portait d’autant mieux qu’il assistait à l’épanouissement de sa petite amie. En l’espace de quelques mois, elle avait : 1) trouvé un psy, 2) lancé avec succès son podcast, 3) quitté ce boulot qu’elle haïssait. Autant de raisons pour le musicien d’être fier d’elle. Le fait qu’elle soit globalement heureuse le rendait lui-même heureux, nourrissant ainsi un cercle vertueux de sentiments positifs. Si l’appartement d’East Village avait longtemps été le théâtre de leur descente aux enfers, aujourd’hui, il les voyait renaître.

L'appartement avait beau être son cocon, son refuge depuis l'instant où Ann lui avait proposé d'y rester dormir, Wes avait accueilli la perspective d'un voyage avec un enthousiasme débordant. Après avoir vécu au ralenti pendant 3 ans, il ressentait l'envie de retrouver la frénésie de la route. Pour lui qui, il y a de ça un an à peine, était incapable d’aller faire les courses au coin de la rue, se lancer dans un road trip relevait de l’exploit absolu. Et du moment où Ann avait émis l'idée jusqu'à ce qu'ils chargent leurs bagages dans le coffre de la voiture, il avait piaffé d'impatience. En fait, Wes avait piétiné de hâte sans discontinuer, sautant chaque jour au cou d'Ann à la seconde où elle rentrait du travail pour lui proposer une nouvelle escale. Enfin, après tant de temps, Wes se sentait capable de profiter de quelque chose sans que ses angoisses ne s'invitent à la fête.

Le trajet entre New York et San Francisco s'était déroulé on ne peut mieux pour Wes. Il lui avait permis de se découvrir une passion pour le côté passager, au point de rechigner à prendre ses tours de conduite. Car être copilote lui permettait 1) de gérer la playlist essentiellement composée d'un metal agressif, 2) d’admirer Ann du coin de l'œil. Il avait passé des heures à l'observer plus ou moins discrètement pendant qu’elle fixait la route, jamais lassé par son profil – ce visage qu’il connaissait désormais par cœur et qui, à travers ses yeux d’homme éperdument amoureux, relevait de l'œuvre d'art. Fleur bleue, Wes ? Si peu.

Et puis il aimait le côté roots de leur organisation. Ils étaient tombés sur des motels au confort souvent catastrophique, mais ça faisait partie du charme du road trip – il n'y a rien de moins rock'n'roll que d'enchaîner les hôtels 5 étoiles/spa/resort, pas vrai ? Cela dit, quand Ann lui avait parlé de dormir dans un endroit un peu plus huppé à SF, Wes n’avait pas hésité une seconde et son dos l’en remerciait vivement. Voilà comment il se retrouvait sur la plage, doucement réchauffé par le brasero, convaincu que sa vie en cet instant ferait un excellent clip pour une chanson de Coldplay. C’était sans compter sur Anneke, qui apporta une touche nettement plus metal à cette scène très soft rock en lui proposant de picoler autant que possible. Joyeusement, il s’exclama : « J’ai cru que tu ne le proposerais jamais ! » Imitant la jeune femme, il picora dans les tapas devant eux en marmonnant, faussement vexé : « I know I'm 40 but I can still get drunk and do stupid things. » Tandis qu’il engloutissait son toast, il sentit la main d’Ann se poser sur la sienne. Il releva vers elle des yeux enjoués et son cœur se contracta un peu, comme à chaque fois qu’il croisait son regard. « Jeez, même une nonne et un moine auraient pas été aussi prudes que nous. » Ridicule. Voilà comment il qualifierait aujourd’hui leur comportement durant deux ans. En même temps, ça faisait partie de leur histoire et de fait, il y trouvait un certain charme. Un sourire à la fois bête et malicieux se colla sur ses lèvres et il haussa innocemment les épaules. « Well, I guess we've made up for it since.»

Maintenant qu'elle savait tout des sentiments qu’il nourrissait envers elle, y compris ce "je t'aime" qui avait été si dur à conscientiser puis à formuler, Wes se sentait libéré, à la fois plus à l’aise et plus naturel dans leur relation. Levant son verre en même temps qu’elle, bien décidé à rentrer éméché à l’hôtel, il renchérit : « To us, to your new job, and to your podcast – so many great things in your life, I’m fucking proud of you. My girlfriend nailed it. » Il porta son verre à ses lèvres et, surpris par la brûlure de l’alcool dans sa gorge, lâcha : « Ouch, ça arrache, quel cocktail on a pris déjà ? » Très vite remis cependant, il ne tarda pas à brandir sa guitare, qu’il avait prise avec lui à l’instant où il avait entendu le mot “plage”. Mettez un musicien sur le sable sans un instrument dans les mains et il sera malheureux comme les pierres, c’est bien connu. Conscient du risible de la situation, il plissa le nez : « Do I look like a caricature of myself ? » Puis, décidant qu’il s’en fichait, il s’enquit : « What do you want me to play, babe ? Please don't say Oasis – Wonderwall. » Être un cliché, d’accord, mais jouer les kékés ça, non merci.

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Dim 1 Jan - 11:57
Anneke accueillit avec joie la détermination de son petit ami. Jusqu’alors, ils étaient restés étonnamment sages. Pourtant, ils n’étaient pas connus pour l’être, bien loin de là. Ils avaient fait des soirées film une véritable institution impliquant bien trop de bière pour deux seules personnes, et leur rapprochement significatif n’avait constitué qu’une excuse supplémentaire pour passer un peu plus de temps ensemble et multiplier la fréquence de ces petites beuveries improvisées. Passer deux semaines de vacances sans une soirée plus arrosée que raisonnable ne leur ressemblait donc pas tant. Ann aimait se dire que changer d’environnement avait eu cet effet sain sur leurs esprits, elle en était même intimement persuadée. Pourtant, ce soir, elle voulait déroger à cette nouvelle habitude, et elle était bien contente d’être suivie avec tant d’entrain.

Quand Wes grommela quelque chose sur son âge et ses capacités, la brune se moqua gentiment : « Of course, baby, of course. » Les difficultés du musicien à accepter la nouvelle décennie dans laquelle il était entré l’attendrissait beaucoup. A vrai dire, elle n’était pas certaine de vivre plus sereinement son passage à la quarantaine, mais ce serait un problème pour Ann du futur, avec un an et demi de plus. Elle se pencha pour caresser le dos de la main de Wes, et ce simple geste réveilla en elle des souvenirs qu’elle se sentit obligée de partager. « On s’est très clairement rattrapés, thank god for that. », soupira-t-elle d’aise à cette affirmation.

Elle décida de porter un toast. En prenant cette décision, elle n’imaginait pas la déferlante de compliments qui l’attendait au tournant. Ses yeux s’embuèrent d’émotion et elle sentit ses joues chauffer de gêne. Aussi indépendante fusse-t-elle, plus le temps passait, plus elle réalisait ce besoin de validation de la part des gens qu’elle aimait. L’opinion de Wes était précieuse, tellement qu’il lui fallut quelques secondes d’un sourire ridicule avant de réussir à articuler : « Thanks, babe, it means a lot. » Heureusement, ce moment d’émotion passa bien rapidement, aussi vite qu’il ne fallut à Wes pour manquer de s’étouffer sur son cocktail. La brune éclata de rire : « Un long island basique, mais j’avoue, ils ont pas lésiné sur l’alcool. C’est pas plus mal, du coup, ça en fera moins à siffler pour arriver à nos fins. » Elle haussa les épaules, puis ajouta : « En tout cas, j’ai hâte de voir quelles aventures Wes la rockstar de 40 ans en recherche de conneries à faire va bien pouvoir nous réserver après 4 verres de ce truc. I’ll join you, of course. Always down for dumb adventures. »

Entretemps, Wes s’était penché pour attraper sa guitare et la brune se prit à l’observer un peu trop fixement, un sourire attendri sur les lèvres. Elle ne se lassait pas de le voir heureux, et le Wes qui s’épanouissait devant elle avait des airs de celui qu’il était avant. Une version évoluée de celui-là, même, ce qui ne manquait pas de la mettre en joie. Lorsqu’il s’inquiéta pour la forme, cependant, elle feint une expression songeuse. « You are a caricature of yourself, Takagi. Always have been. » Malicieuse, Ann lui offrit sa plus belle poker face. Presque rendue convaincante, elle finit cependant par craquer et éclata d’un rire cristallin. A vrai dire, cette affirmation était probablement bien plus vraie que Wes ne l’aurait voulu, mais elle faisait partie du charme pour lequel elle tombait un peu plus chaque jour. Aussi, elle s’empressa de préciser : « It’s a stupid hot look for you, though, l’artiste ténébreux avec son rictus et sa guitare. Love it, here for it, ne change jamais. » Un clin d’œil plus tard, Ann siffla une longue gorgée de cocktail. « Oh, mais non, je suis pourtant si fan d’Oasis, me brise pas le cœur comme ça ! » Comme pour illustrer son ressenti face à cette fausse tragédie, elle se tint la poitrine. Puis, dans un accès de détermination, elle prit une décision : « Alright, gimme that. », annonça-t-elle en se penchant vers lui pour lui prendre la guitare des mains. Au passage, elle lui vola un baiser furtif qui eut pour effet d’élargir encore un peu son sourire satisfait. Une fois assise sur son siège, elle croisa les jambes et s’attela à l’accordage de l’instrument tandis qu’elle s’expliquait : « Y’a pas de raison que tu sois le seul à profiter du look incroyable que te file une guitare sur le sable, moi aussi je veux faire baver Jean-Michel Random avec mon air mystérieux. Also, you’ve been the only one playing for days now, it’s my turn. » And if Ann wanted to stay completely honest with herself, he had actually been the only one playing for years. Pas une seule fois depuis qu’ils avaient quitté la route la dernière fois la brune n’avait laissé Wes la voir avec un instrument entre les mains. Déjà, parce qu’elle en avait perdu l’envie. Ensuite, parce que la dépression avait eu pour effet de réduire sa confiance en soi à néant, et qu’elle avait vécu avec l’impression persistante qu’elle n'était pas douée. Pas digne d’être entendue. Pour qui se serait-elle prise, après tout, à oser enchaîner deux accords face à un (particulièrement beau, drôle, intéressant et doué) diplômé de la Juilliard ? S’occuper de ses balances avant un show était une chose, mais jouer un vrai morceau dans l’intimité de leur salon consistait en une épreuve que même la conscientisation de la vraie nature de leurs sentiments n’avait jusqu’alors pas réussi à ébranler. Pendant longtemps même, Anneke avait vécu un véritable rejet de la musique – ni envie, ni besoin, et pire encore : un véritable vertige à la simple idée de prendre un instrument. Aujourd’hui, et cela avait peut-être à voir avec leur changement d’environnement, elle se sentait enfin suffisamment en confiance pour jouer devant Wes.

Devant Wes, au milieu d’une terrasse qui les isolait suffisamment des autres pour éviter de partager des sujets de conversation mais probablement pas assez pour étouffer la musique. Screw that. Elle prit une inspiration, se lança, et une fois le morceau terminé, la brune se pencha vers son cocktail et en siffla une bonne moitié avant de soupirer : « Jeez, I forgot how cool it was. »

Pour le fond sonore de loveuse ✨

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Sam 21 Jan - 16:33
TW : mention d'alcool

Le brun la couva d'un regard fier. Il avait suivi chacune des étapes du lancement de son podcast avec attention, toujours en retrait mais pas moins intéressé pour autant. Il s'était réjoui avec elle de son succès, heureux que le projet doudou d'Ann, celui qui l'avait aidée à s'en sortir, parvienne concrètement à faire une différence. « Imagine a 15 year old girl discovering your podcast, what a great role model you would be for her. » Il vit les yeux d'Ann s'embuer alors il leva le pied sur les compliments : la voir pleurer, même de joie, le déchirait toujours autant.

L'idée de picoler en ricanant (ou ricaner en picolant, au choix) séduit Wes, sans grande surprise. Car il était toujours partant pour s'enivrer en compagnie d'Anneke. Les soirées alcoolisées faisaient partie de leur quotidien au même titre que les concerts ou les séances ciné. Ça ressemblait davantage à une coutume de colocataires de 25 ans qu'à une habitude de couple de quarantenaires, mais ni Ann ni lui ne semblait le réaliser. Alors oui, ils vivaient comme s'ils étaient coincés 20 ans en arrière, adolescents à tout jamais, mais ça n'était certainement pas ce soir, sur cette plage de San Francisco hors du temps, qu'ils allaient commencer à se remettre en question. Et si un jour il vous prend de le faire remarquer à Wes, il vous répondra : on reste fidèle à notre image rock'n'roll, c'est tout.

Quand Ann essaya d'imaginer dans quelles aventures stupides ils pourraient se lancer sous l'emprise de l'alcool, Wes posa son regard sur l'océan Pacifique, cette grande étendue sombre et peu engageante en plein hiver. « Bon, comme ça, ça donne pas tellement envie de se baigner, mais crois-moi, d'ici quatre verres, je la verrai aussi turquoise que la mer des Caraïbes et j’en aurais plus rien à foutre de risquer la pneumonie. » Ça ressemblait à la pire idée du siècle, ce projet saugrenu de piquer une tête dans une eau à 12°C, mais Wes était prêt à n’importe quoi pour se prouver qu’il n’était pas si vieux. Et la pauvre Ann risquait fort d’être un dommage collatéral de sa petite crise existentielle. « Tu vas regretter d'avoir promis de te joindre à moi. À moins que tu te dégonfles, Van Asten. » Il haussa les épaules, le défi au coin des lèvres.

Mais il n’en étaient qu’à leur premier verre, alors en attendant, Wes se munit de sa guitare, tout heureux d’avoir retrouvé le goût de la musique. À nouveau, des mélodies se jouaient en permanence dans sa tête et il était infiniment soulagé de ne plus vivre dans ce silence qui l’avait tant angoissé. Il effleura les cordes du bout des doigts, puis releva le regard et surprit sa petite amie en train de le dévisager. Aussitôt, un sourire narquois se dessina sur son visage. « Are you enjoying the view, babe ? Nice sunset, hum ? » La brune riposta par une raillerie qui le fit éclater de rire, à l’unisson avec elle. Sortir avec lui n’empêchait pas la jeune femme de se payer régulièrement sa tête, mais pour rien au monde Wes lui aurait demandé d’arrêter. « Ça tombe bien, même si je voulais changer, je saurais pas comment faire. I'm lucky to fit you the way I am. » Malgré son ton rieur, cette dernière phrase n’avait rien de désinvolte. Le musicien mesurait sa chance d’avoir Ann à ses côtés, il s’en trouvait même parfois indigne. Il avait une conscience aiguë du fait que personne d’autre au monde ne saurait l’apaiser comme elle l’apaisait, le supporter comme elle le supportait, bref, lui apporter ce qu’elle lui apportait.

Avant qu'il n'ait eu le temps de jouer un accord, Ann lui vola sa guitare en le distrayant d'un baiser. Impossible de résister, il lui céda l'instrument sans même essayer de protester. Il faut dire qu’il attendait ce moment depuis longtemps. Ce moment où elle se sentirait suffisamment en confiance pour se remettre à jouer devant lui. Car il le savait, il s’agissait d’une étape bien plus importante que ce que laissait entendre son air flegmatique. C’est donc en l’enveloppant d’un regard amoureux qu’il l’observa accorder sa guitare. Wesley voyait une symbolique touchante dans le fait qu’elle trouve le courage aujourd’hui, au point culminant de leur voyage, dans cette ville dont ils avaient rêvé pendant des semaines. À voix basse, il souffla : « Y a pas que Jean-Michel Random que tu fais baver. » Comme si ça n’était pas suffisamment clair, il précisa : « Y a moi, aussi. »

Wes reconnut très vite le morceau pour lequel elle avait opté et apprécia son choix d’un mouvement de tête. Le professionnalisme du brun l’obligea à analyser la prestation de sa copine d’un point de vue relativement objectif : il réalisa avec jubilation qu’il ne s’était pas trompé, et qu’Ann était aussi douée qu’il l'imaginait. Ses yeux se mirent à briller, tandis que ses doigts marquaient le tempo sur sa cuisse. L’espace d’une seconde, il jeta un œil aux autres clients, s’indignant que tous ne soient pas tournés vers Anneke. Ces abrutis n'avaient pas conscience de l’exclusivité qu’elle leur offrait et il fusilla du regard ceux qui leur tournaient le dos. Et quand elle eut fini, il s’exclama, fébrile : « I knew it, I knew it ! » Il n’avait jamais pu croire qu’Ann manquait de talent, et maintenant qu’il en avait la preuve, il triomphait. « Your voice, babe ?! Oh my god, you are good. » Dans une impulsion, il se pencha par-dessus la guitare et rapprocha son visage du sien. S’arrêtant à quelques centimètres de ses lèvres, il lui glissa : « I couldn’t be more in love right now. »

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Mer 1 Fév - 20:18
Anneke n’avait selon elle rien d’un modèle. Sa mère l’avait abandonnée, elle n’avait pas de diplôme, et si ce n’était pour sa rockstar de père qui lui avait offert une stabilité financière démesurée dès le plus jeune âge, elle ne serait probablement pas capable de s’offrir quoi que ce soit d’autre qu’une chambre de bonne dans le fond du Queens. Quant à ce roadtrip qu’ils avaient organisé, il serait resté au stade de rêve un peu fou. Sa santé mentale lui jouait plus de tours qu’elle n’aurait aimé l’avouer, elle n’avait jamais appris à gérer sa colère – ce qui lui valait régulièrement de monter dans les tours voire de frapper avant de parler - et elle dépensait bien trop d’énergie à chercher la validation des deux hommes qui lui étaient les plus proches pour qu’elle ne ressente pas une légère pointe d’imposture lorsqu’elle se permettait de débattre féminisme et intersectionnalité sur internet. Alors lorsque Wes affirma que ses projets, son podcast qu’elle couvait depuis des mois, était suffisamment abouti pour l’ériger en une espèce d’égérie dans son domaine, elle sentit ses yeux s’embuer. Loin d’avoir l’impression de mériter tel compliment, elle le gratifia d’un sourire et elle sut qu’il avait compris ce qu’il impliquait, grâce à son regard attendri et à sa façon d’accepter le changement de sujet sans commentaire. Encore une fois, il faisait preuve avec elle d’une extrême bienveillance. Ann rangea malgré tout ces éloges dans un coin de son cerveau et elle s’en servirait lorsque les doutes la saisiraient encore par surprise.

Son regard suivit celui du musicien vers l’océan, grande étendue sombre, qui aurait presque pu paraître menaçante s’ils ne se trouvaient pas dans un lieu si accueillant. Elle comprit rapidement où il voulait en venir et se saisit de son plus bel air choqué lorsqu’il remit sa volonté en question. « Tu sais très bien comment je réagis à la provoc, Takagi. Tu regretteras ta décision avant moi et tu le sais. » Et s’il lui fallait plonger dans le Pacifique en plein hiver et y rester ne serait-ce qu’une minute de plus que lui pour appuyer ses propos, elle n’hésiterait pas une seule seconde. « Clairement ça caille en plus, et je vais pas rater une occasion de demander à un mec canon de me réchauffer après ma baignade. » Haussement d’épaules provocateur. Elle maintint son regard une seconde de trop, fière à l’avance de sa petite boutade. « Genre, au hasard, je sais pas, le réceptionniste de tout à l’heure, il était beau gosse lui, non ? Or that waiter over there (elle le désigna d’un signe de tête) who’s been checking us out for half an hour. Don’t know yet. » Et l’air de rien, elle but une nouvelle gorgée de son cocktail.

En même temps, Wes s’était emparé de sa guitare qu’il ne semblait plus lâcher depuis un bout de temps. Le voir reprendre du poil de la bête provoquait en la brune un sentiment indescriptible, tant et si bien que sans même y prêter attention, elle se retrouva à l’observer un peu trop intensément, un sourire peut-être un peu trop bienheureux sur le visage également. Et si elle répliqua à la provocation de son compagnon de son meilleur sarcasme, elle retrouva rapidement son sérieux quand il laissa paraître une pointe d’insécurité. Comme d’habitude, Anneke mettait un point d’honneur à rappeler au musicien à quel point elle le trouvait formidable, et ce soir ne dérogerait pas à la règle (et ça n’avait rien à voir avec ce cocktail qu’elle sifflait beaucoup trop vite et qu’elle sentait déjà lui monter à la tête). « I’m not sure I’d have the same feelings for a hot but bland and boring version of you anyway. », le rassura-t-elle donc avant de reprendre son expression taquine et lui voler la guitare des mains.

Il y avait bien longtemps que la brune ne s’était pas prise au jeu de la musique en public. L’envie s’était estompée, la peur de recommencer également avait petit à petit pris le dessus sur son bon sens. Plus les mois passaient, moins Ann ne s’en sentait capable, et Wes n’avait pas échappé à ses insécurités. A l’époque où ils travaillaient encore ensemble, les petits bœufs improvisés étaient partie intégrante de leur quotidien, mais ce qui autrefois l’animait avait fini par devenir source d’angoisse, et petit à petit, elle s’était enfermée dans cette impression prégnante qu’elle n’en serait plus jamais capable. Qu’elle ait choisi ce soir précis pour vaincre ce démon n’avait probablement rien d’anodin. Loin de New-York, ils célébraient une forme de renouveau. Aussi, après un coup d’œil malicieux vers celui qui l’avait accompagnée à chaque instant depuis que tout ce qu’ils connaissaient s’était effondré, elle se mit à jouer.

Quelques minutes plus tard, elle releva le regard, un peu haletante, et découvrit un Wes extatique. Quand il s’approcha bien trop près de ses lèvres, Ann sentit ses joues chauffer et plutôt que d’accepter le compliment tel qu’il était, elle se réfugia dans le sarcasme : « Si j’avais su qu’il suffisait que j’enchaîne deux notes pour te mettre dans cet état j’en aurais clairement déjà abusé depuis longtemps. » Elle ignora du mieux qu’elle put les papillons dans son bas-ventre, toujours aussi présents malgré les mois qui s’écoulaient, ignora également son cœur qui s’affolait dans sa poitrine. Encore aujourd’hui, Anneke s’émerveillait que quelqu’un comme Wes puisse ressentir quoi que ce soit pour quelqu’un comme elle, et si elle s’habituait bien volontiers à leur nouvelle dynamique, son corps, lui, y réagissait avec autant d’intensité qu’au premier jour. « I love you too. », lui souffla-t-elle finalement. Elle caressa sa joue de deux doigts, l’intimant de se rapprocher encore un peu, et elle lui vola un baiser avant de ricaner, ses lèvres pas encore tout à fait écartées des siennes : « Please stop breathing in my face though, ou bien t’auras même pas le temps de finir ce verre avant que je te ramène à l’hôtel et ce serait dommage. » Elle rit doucement, frottant le bout de son nez au sien avant de s’écarter pour de bon. Elle se replaça bien au fond de son siège, volant une olive sur le plateau au passage, et elle tripota les cordes de la guitare en concluant dans une distraction feinte, l’air de rien : « Bien que je te soupçonne d’avoir ce genre de projet en tête, tu me cherches depuis tout à l’heure. » A vrai dire, il la cherchait bien peu. Une allusion par-ci par-là lui suffisaient généralement à tirer les conclusions qui l’arrangeaient. Un sourire coupable se dessina sur son visage mais Ann ne releva pas la tête, trop occupée à feindre l’innocence en mâchouillant son cure dent. Elle laissa passer quelques secondes avant de reporter son attention sur Wes à qui elle tendit l’instrument comme si de rien n’était : « There, your go. I’m glad you think I sound good but you’re still the pro and I have a glass to empty. »

@ Invité

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Mar 21 Fév - 22:54
Wes connaissait désormais par cœur les mécanismes de défense de sa compagne. Parmi eux : changer de sujet et adopter un ton sarcastique pour éviter un débordement émotionnel. S’il n’était plus dupe (l’avait-il seulement été un jour ?), il lui laissa volontiers croire qu’elle avait réussi à détourner son attention. Et comme toujours, il rentra dans son jeu, jamais lassé par leur complicité et par leurs échanges – qui n’amusaient certainement qu’eux. « Tu pars un peu trop confiante, Van Asten. » Pour être tout à fait honnête, il était quasiment sûr de perdre le pari, pour la simple et bonne raison qu’Ann était bien plus compétitive que lui, et qu’elle préférerait finir congelée plutôt que lui concéder la victoire. Savoir qu’il partait avec un désavantage majeur ne l’empêcha pas de pousser la provoc un peu plus loin. Il aimait trop leurs petites chamailleries pour reconnaître qu’il était cuit d’avance. « Si c’est une stratégie pour me décourager, c’est loupé. » Il s’étira, avec toute la nonchalance dont il était capable, surjouant la confiance pour agacer sa copine. « I'm going to have the most pleasant swim of my life. » Mais son flegme se fissura lorsqu’Ann évoqua l’après-baignade. Une lueur s’alluma dans ses pupilles. La jolie brune le faisait marcher – il courrait, naïf et troublé par le regard perçant de la jeune femme. Dans un souffle, il lâcha : « Oh, really ? »

Autant dire que la suite ne fut pas à la hauteur des attentes du bassiste. Impossible pour lui de cacher sa moue déçue lorsqu’il comprit qu’elle se moquait gentiment de lui. Wesley n’était pas jaloux (comment aurait-il pu être jaloux alors qu’Ann avait toute sa confiance ?), mais son ego fut très légèrement piqué, juste assez pour qu’il décide de ne pas se laisser faire. Pas cette fois-ci. Un sourire de sale gosse se dessina sur ses lèvres, présageant la bêtise qu’il allait commettre. « The waiter, hum ? Let's ask him what he thinks, then. » Et avant qu’Ann ne puisse dire quoi que ce soit, il agita sa main pour attirer l’attention du serveur. « Sir, please ? » Quand celui-ci arriva à leur niveau, Wes dirigea son regard vers sa petite amie, l’air victorieux, tout en expliquant de sa voix la plus innocente : « My friend thinks you're handsome and she has something to ask you… Right, my dear, dear friend ? » Il insista sur la fin de la phrase, extrêmement fier de sa vengeance, sans songer un seul instant aux inévitables représailles.

Au moment où leur pauvre victime s’éloigna enfin, le musicien glissa à Ann, à moitié sérieux : « J'ai un peu peur qu'il pense qu'on veut l'inviter dans notre chambre maintenant. I must admit that he’s cute but frankly, I don't want to find him in my bed. Ew. Eeew. (Sa grimace dégoûtée laissa place à un sourire lumineux) Actually, I don't want anyone in my bed but you. » Il posa sur elle de grands yeux affectueux, espérant secrètement se faire pardonner son affront d’un simple regard. Pas sûr qu’il s’en sorte aussi facilement, car ses yeux de merlan frit ne parvenaient pas à cacher sa satisfaction. Alors, toujours en quête de pardon, il se munit de sa guitare, bien décidé à jouer à Anneke une sérénade qui expierait tous ses péchés.  

L’ennui, c’est qu’Ann contrecarra ses plans en volant l’instrument. Loin de lui l’idée de s’en plaindre, bien au contraire. À la fois ému et franchement enfiévré par sa prestation, Wesley trouva très vite le chemin vers ses lèvres, ce qui sembla beaucoup amuser sa petite amie. Les yeux brillants, il tenta de se justifier – sans grand succès. « Come on babe, comme si tu savais pas ! Les deux choses que j’aime le plus au monde réunies, toi et la musique ? Evidemment que ça me fait de l’effet. » À sa décharge, Ann paraissait s'employer chaque jour à lui prouver qu’elle était absolument parfaite. Parfaite pour lui, du moins. Ses défauts, il les connaissait mieux que quiconque : son tempérament anxieux, ses insécurités, sa gestion bancale de la colère… Mais tout ça faisait partie d’un package qui lui convenait entièrement et qu’il chérissait, y compris lorsqu’il devait batailler pour empêcher la jeune femme de déclencher une bagarre dans un bar. Bref, pour toutes ces raisons, Wes ne voyait aucun inconvénient à regagner l’hôtel plus rapidement que prévu, pourtant il se défendit d’en être l’instigateur. « Hey, that’s not fair ! You started it, with your guitar and your sensual voice. » Ann se laissa retomber au fond de son siège et il émit un léger ronchonnement, déçu qu’elle s’éloigne. Il eut à peine le temps de boire une gorgée de cocktail supplémentaire que sa guitare atterrit à nouveau entre ses mains. C’est peut-être l’alcool qui lui souffla cette idée, mais Wes sut brusquement ce qu’il allait jouer. Le brun étira ses doigts, machinalement, avant d’effleurer les cordes. Il enchaîna les deux-trois premiers accords, les yeux rivés sur le visage de sa copine, guettant sa réaction. Car cette chanson, elle la connaissait bien, elle était même la seule à la connaître, puisqu’il s’agissait du morceau qu’il avait écrit pour elle.

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Sam 1 Avr - 11:09
L’un des plus grands avantages de sortir avec son meilleur ami, selon Ann, était le florilège infini de possibilités de jouer avec ses pieds sans qu’il ne se vexe jamais. Mieux encore : qu’il y réponde, éternel adolescent qu’il était lui aussi. Ces petits jeux n’avaient de cesse de l’amuser. A vrai dire, Anneke était intimement persuadée qu’elle ne s’en lasserait jamais, et que cette capacité à se faire des farces constituait en l’une de leurs plus grandes forces. Même dans leur routine la plus banale, lorsqu’elle enchaînait les journées de travail et Wes les sessions d’enregistrement acharnées, ils étaient capables de trouver de quoi rire. Bref, l’ennui n’existait pas, ou seulement lorsqu’il était choisi – et qu’ils en profitaient donc comme ils le devaient. Cependant, même si elle l’avait bien cherché, elle ne s’attendait pas à ce que son compagnon se sente pousser des ailes. Et lorsqu’il mentionna l’idée d’appeler le serveur à leur table après qu’elle l’ait gentiment taquiné à son sujet, la brune se sentit glisser au fond de son siège. « What, wait, no, leave him… »

Trop tard. Le jeune homme était déjà en route. « … alone. Jesus, Wes. », grogna-t-elle en jetant un regard désolé au serveur qui eut au mieux l’air amusé de la situation, mais son sourire trahissait peut-être une certaine gêne. Incapable de lire les émotions sur son visage, Ann opta pour de plates excuses : « You’re unbelievable ! I’m so, so sorry about him, sir, he’s just a fucking idiot. I mean, he’s jealous and he can be. » Elle adressa un coup d'oeil discret au serveur, dans l’espoir qu’il comprenne qu’elle ne faisait que se venger de son partenaire. S’ensuivit un court dialogue bredouillé par une Ann incapable de cacher son trouble. Et à raison : elle avait subi ce genre d’interactions plusieurs fois dans le cadre de son boulot, et loin de les avoir appréciées, elles l’avaient même rendue aigrie. Aussi, après une justification bien trop longue pour être honnête, elle conclut : « I’m sorry. I didn’t wanna bother you. » Dans ses yeux, la supplication. « It’s okay, enjoy your evening. », répliqua-t-il enfin, le sourire aux lèvres. Ann ne se serait pas permise de penser aux raisons qui le poussaient à sourire – soit un véritable amusement, soit une façade cachant en réalité un ennui profond. Mais à en jurer par les regards qu’il leur lançait depuis qu’il les avait servis à leur arrivée, la brune se demandait s’il n’avait pas tout simplement reconnu Wes. Never meet your heroes, they fucking suck, devait-il probablement se dire. Ou pas. Elle n’en savait rien, et dans tous les cas, il n’en laissait rien paraître. Aussi, elle s’excusa une dernière fois : « You too, sir, I’m so, so sorry again. Not cool, Takagi. », geignit-elle à nouveau en direction de son compagnon une fois le serveur éloigné. Pour la peine, elle attrapa une cacahuète dans le petit pot devant elle et lui lança, comme une adolescente, à nouveau.

La blague se retourna sur le musicien et Ann haussa les épaules, mâchouillant une olive, désinvolte : « Bien fait. » Puis, après une pause, elle ajouta : « And I very well hope so. » Loin de se laisser attendrir par ses tentatives de trêve – ou du moins, elle ne voulait rien en laisser paraître -, la brune se munit de sa plus belle poker face. « Stop looking at me with the puppy eyes, they won’t work. » Et dieu savait que Wes était doué pour jouer les chiens battus, une technique qui fonctionnait à merveille sur la brune. Pas ce soir. Enfin si, ce soir aussi, mais elle n’était pas près de lui laisser entendre. A la place, elle glissa, l’air de rien : « Jeez, ce pauvre serveur, il avait rien demandé. Va falloir qu’on change de bar. »

C’est le moment que choisit le musicien pour sortir la guitare. Dans un esprit de contradiction, la brune lui vola des mains, décidant que ce soir était définitivement le bon soir pour se remettre à jouer en public – ce qui voulait en fait dire en dehors de sa chambre en l’absence de son coloc/meilleur ami/mec. Et aussi vite, le petit incident sans conséquence trouva vengeance, sans même qu’Ann ne l’ait planifié. Déstabilisé par sa prestation pourtant banale, Wes n’essaya même pas de cacher son trouble, ce qui ne manqua pas de satisfaire la brune qui ne l’avait pourtant pas vu venir. Contre ses lèvres, elle rit : « Tes disquettes se surpassent de jour en jour babe. » Et l’air de rien, sans même un dernier baiser, elle recula, l’air de rien, vers le fond de son siège où elle s’empressa de le taquiner encore. « Euh, j’ai rien fait ! », protesta-t-elle, quand bien même son rictus satisfait trahissait sa mauvaise foi. Elle avoua alors, levant les deux mains en guise de drapeau blanc : « I can’t help it, alright ? You’re doing this to me. »

Et pour signifier le début de cette trêve, Ann lui rendit l’instrument et se replaça au fond de son siège, attentive. Dès la première note, elle comprit ce qu’il s’apprêtait à lui jouer. A vrai dire, elle était la seule personne sur cette planète à pouvoir se targuer de reconnaître ce morceau, pour l’instant du moins, bien qu’ils n’aient pas encore reparlé de l’éventualité de le sortir pour le grand public. Cette seule pensée suffit à la déstabiliser à nouveau. La brune sentit ses joues chauffer, et dans une tentative de protestation, elle ronchonna au-dessus de la musique : « See ? How am I supposed to keep a straight face when you’re… » Incapable de cacher son sourire idiot cependant, elle baissa les bras (littéralement et figurativement). Et plutôt que de rester sur la défensive, elle se détendit et ferra son regard sur son petit ami. Le voir jouer était toujours une source de satisfaction, consciente de ce que cela signifiait - il allait mieux, tellement mieux qu’il avait retrouvé sa fibre créative. Le voir jouer pour elle, cependant, était encore un cran au-dessus. Ann peina à rester concentrée sur la musique : ses yeux se posaient tour à tour sur les doigts de Wes qui glissaient sur le manche de la guitare, sur son regard qui ne la quittait pas, sur sa bouche également, et son esprit dérivait dangereusement vers des contrées qu’elle ne pouvait décemment expliquer en public. Heureusement, le morceau se termina après ce qui lui sembla à la fois une fraction de seconde et une éternité, et la brune gémit, suffisamment bas pour qu’il soit le seul à l’entendre : « You’re doing things to both my brain and body Wes, you know that, you’re dangerous, man. » Et ce n’était pas cool d’en jouer en public, quand bien même elle avait peut-être, potentiellement, en toute innocence bien sûr, démarré les hostilités. « Je vais avoir besoin d’une douche froide, maintenant. » Son regard se posa sur l’océan au loin, puis sur son compagnon qui semblait très satisfait de lui-même. Après quelques secondes de silence, elle reporta son attention sur le monde autour d’elle qui était soudainement devenu très flou. Ann se pencha vers le musicien et glissa, l’air de rien : « How about we finish those drinks, skip dinner for now and stay in our room tonight ? Like, we buy some booze now and we get drunk over there, and we order sushis if we feel like it, before or after that cold shower, and I mean, that way you could keep on that enticing lil number of yours and I could actually enjoy it the way it’s supposed to be enjoyed, whatever. » Ann s’entendit ricaner. Ce n’était pas la première fois qu’elle se faisait la réflexion : autour de Wes, elle se sentait retomber à l’adolescence. Plus de six mois plus tard encore, la brune ne réussissait toujours pas à contrôler ni ses réactions disproportionnées à ses bêtises (en avait-elle seulement déjà été capable depuis qu’elle le connaissait, rien n’était moins sûr), ni ses hormones. Mais puisqu’aucun d’entre eux ne semblait s’en plaindre, elle s’en accommodait avec plaisir. « I will absolutely play the guitar if you want me to. », ajouta-t-elle finalement, un sourire innocent au coin des lèvres, comme s’il y avait besoin d’argumenter sur cette proposition sans équivoque. Et sur ses belles paroles, elle s’empara de son cocktail. Sans même attendre la réponse du principal intéressé, elle s’appliqua à vider son verre sans le lâcher des yeux, curieuse de sa réaction face à son air de défi.

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Sam 8 Avr - 14:52
Depuis qu’ils étaient en couple, et qu’Ann connaissait chaque parcelle de son cerveau, la jeune femme disposait de toutes les clés pour le charrier sans que ça ne le blesse vraiment. Alors elle s’en donnait à cœur joie, redoublant d’inventivité mais jamais de méchanceté. Lorsqu’elle flirtait avec la limite, elle trouvait toujours le moyen de se faire pardonner de sorte à ce que la compensation surpasse très largement le préjudice. Et si Wes se laissait usuellement chahuter, parfois, il se défendait – comme ce soir. Lorsque le serveur se présenta devant elle, la mine déconfite d’Ann fit ricaner Wes. Il assista à leur échange en jubilant et quand l’employé tourna les talons, il finit de s’écrouler de rire. Son sourire victorieux sembla tant agacer la jeune femme qu’elle lui lança une cacahuète à la figure. En réponse, il lâcha un “aie !” absolument dramatique puisqu’il n’avait même pas senti l’impact. « Now you know what can happen when you play with my poor, weak heart. » Ce n’est qu’au bout de quelques secondes (lorsque l’adolescent en lui laissa place à l’adulte de quarante ans), qu’il réalisa à quel point il s’était montré lourd envers ce pauvre serveur. Promis, il lui filerait un généreux pourboire en partant.

Ayant retrouvé une once de maturité, Wes chercha aussitôt à se faire pardonner. Il fit alors ce qu’il savait faire de mieux : se montrer attendrissant, avec ce fameux regard qui aurait pu adoucir le cœur le plus dur. D’habitude Ann n’y résistait pas, mais aujourd’hui, sans doute encore vexée/honteuse, elle se montra nettement moins réceptive. Il haussa les épaules, faussement résigné. « I guess I have no choice, I have to play the guitar to make you love me again. » Mais, décidément joueuse, Anneke lui vola la vedette. Loin de lui l’idée de s’en plaindre, au contraire, il sentit tout son corps chauffer en l’observant effleurer les cordes. Il lui avoua aussitôt son trouble et si Ann commença par se moquer, elle souffla finalement quelques mots – You’re doing this to me – qui faillirent lui faire perdre le sens de l'orientation.

Mais Wesley n’avait pas encore abattu son ultime carte, sa botte secrète : la chanson d’Ann. Sans la lâcher des yeux un seul instant, il gratta chacune des notes avec une application infinie. Seconde après seconde, il se sentait un peu plus amoureux d’Anneke, alors qu’il était pourtant persuadé de ne pas pouvoir l’aimer davantage. Sur le visage de sa petite amie, il lut l’impatience, la même que celle qu’il ressentait. Et la phrase qu’elle lui glissa à la fin du morceau, à propos de son corps et de son cerveau, finit de le convaincre : ils avaient suffisamment profité de cette plage, de ce bar et de ce brasero pour ce soir. Au diable le bain de minuit, le nouveau plan qu’Ann lui proposa au creux de l’oreille était autrement plus séduisant. Wes s’empressa de ranger sa guitare. « That shower thing suits me, cold or not, I'm in, let's go. And you, playing in front of me and only me ??? If I'm dangerous you're even more dangerous, baby. » Il fit mine de réfléchir, le souffle court. « You know what, the booze and sushi can wait, hm ? » Wes engloutit le dernier tapas, vida le restant de son cocktail d’une traite, tout d’un coup extrêmement pressé. Dans sa hâte, il faillit oublier l’addition. « Jeez, the bill. » Il poussa un bref soupir. « Okay, I'll be back in a minute. (Le brun loucha dangereusement sur les lèvres de sa compagne avant de détourner la tête au prix d’un effort surhumain) And I'm not going to kiss you now or I won't have the mental strength to leave you for a minute and we'll have to leave without paying. » Mobilisant tout son sang froid, il se dirigea vers le comptoir et régla leur commande, sans oublier le supplément qu’il s’était promis de donner au serveur. Le temps, pourtant infime, que prit la validation de la transaction lui parut interminable. Une vraie torture. Une minute après, il était de retour auprès d’Ann et il la laissa l’entraîner, bien décidé à ne plus la lâcher de toute la soirée.

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