Life is our only true possession.

– Comment te sens-tu ?
– Super, pourquoi serai-je ici sinon ?
– Cela répond parfaitement à ma question.
– Ne poses pas de question stupide, dans ce cas.
– Solveig.

Bedelia a la politesse de ne pas me recadrer davantage quand on sait pourtant que cela ne me ferait pas le moindre mal. Elle est celle qui a voyagé depuis Washington pour me voir et non l’inverse. Je ferai bien de m’en souvenir pour le reste de notre entretien. Mais peut-on seulement appeler ça un entretien ? Nous voilà dans le bar d’un hôtel huppé de la ville dans lequel Bedelia reste pour la nuit. Il est 19h et, comme elle en a l’habitude, la voilà en train de siroter un whisky. On croirait que de nous deux, c’est elle qui a besoin d’un remontant.

– Et si je le rends malheureux ?
– Tu as le don de briser des cœurs, il est vrai.
– Sérieusement ?
– Je ne fais que dire ce que tu sembles avoir envie d’entendre, Solveig.
– Bedelia... s’il te plaît.
– Tu aimes cet homme et il n’a de cesse de te dire qu’il t’aime, peu importe les hauts et les bas que vous traversez. Je trouve cela plutôt rassurant.
– Mais cela ne m’assure en rien que je ne le ferai pas souffrir.
– Et tu ne pourras jamais avoir la réponse à cette interrogation.
– Donc je le condamne à une vie sans enfant et sous une épée de Damoclès.
– Ou bien tu arrêtes de croire que tu vas le détruire et tu avances. Avec lui. Toutes les femmes n’ont pas forcément cette envie de devenir mère, Solveig et ce n’est pas un crime.
– C’est toi qui dis ça.
– Je ne suis pas au cœur de ce rendez-vous, si ?
– Certes.


Il est plus de deux heures du matin quand j’arrive à l’appartement. Ayant prévenu Aleks que je rentrerai tard sans lui cacher le fait que j’étais avec Bedelia, je ne m’attends pas à le trouver dans le salon, sur le canapé, un livre dans une main et un verre de whisky dans l’autre.

– Tu m’attendais ou l’un de tes auteurs phares t’a happé au point de rester debout si tard ?

Le seul fait qu'il soit en train de boire un Dalmore à une telle heure répond déjà à ma question mais je laisse au destin une chance de me montrer que j'ai tort.

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La soirée avait été longue pour Aleksej. Lui qui ne traînait plus guère au bureau après les heures de travail, il était cependant rentré chez lui avec moins d’empressement. Un retard qui avait été mal accueilli par les deux bestiaux qui leur servaient de chiens. Maroon et Boule s’étaient habitué rapidement au fait que le Danois leur accorde une opportunité supplémentaire de sortir à son retour du travail. Ce soir, il savait que Solveig ne dînerait pas à l’appartement alors il avait fait durer la promenade un peu plus longtemps pour se faire pardonner. Sur le chemin, il avait été songeur. Solveig n’était pas rentrée dans les détails de la relation particulière qu’elle entretenait avec son ancienne thérapeute et finalement ce n’était pas ce qui faisait travailler ses méninges.

Son humeur était perplexe et empreinte de contradictions. Il l’avait encouragé dans sa démarche d’aller voir un spécialiste si cela pouvait l’aider et il lui apportait tout son soutien. Mais une part de son esprit n’était pas sûre de savoir s’il s’agissait de faire un pas en avant ou un pas en arrière. Évidemment, c’était une bonne chose pour elle, mais l’était-ce pour eux ? Il ne savait pas d’où venait cette pensée et il n’avait pas de réponse rationnelle pour  l’expliquer. C’était juste comme un pressentiment. L’idée qu’elle se confie à quelqu’un à propos d’eux le mettait mal à l’aise. Il savait qu’elle l’aimait. Elle le lui avait déjà dit à maintes reprises et le lui montrait par ses marques d’affections. Mais était-ce suffisant ?

Et si Solveig réalisait qu’elle avait finalement envie d’autre chose que cette vie casanière avec un quadragénaire proche de la crise de la cinquantaine. Et si sa psy lui rappelait comment était sa vie d’avant ? Ou au contraire, si Solveig décidait finalement de vouloir fonder un foyer ? Les questions et les hypothèses continuèrent de tournoyer dans la tête d’Aleksej jusqu’à ce qu’il finisse de nettoyer la vaisselle. Il poussa un profond soupir, las de son propre esprit. Il attrapa un verre et la bouteille de Dalmore rangée dans le placard et parti s’installer dans le salon. À quoi bon se torturer l’esprit de cette manière ? Il n’avait de toute manière aucun contrôle sur la situation alors autant l’accepter.

Après s’être servi un verre, il ouvrit un livre qu’il avait acheté récemment, Atomic Habits de James Clear. Il avait lu une critique dans le Times et s’était laissé tenter. Il avait conscience que ses mauvaises habitudes de vieux garçon lui collait parfois à la peau et souhaitait réellement pouvoir présenter à Solveig une meilleure version de lui-même. Que ce soit d’ordre pratique ou émotionnel, il tenait vraiment à s’améliorer. Il avait commencé sa lecture avant de faire un break pour retourner sortir les chiens. Si le rituel consistait généralement à aller se coucher après cette dernière balade nocturne, Aleksej sentait qu’il ne serait pas disposé à trouver le sommeil tant que Solveig ne serait pas rentrée.

Un nouveau verre de whisky servit et il reprit sa lecture. Ce n’était que plusieurs heures plus tard, alors qu’il arrivait quasiment à la fin de son ouvrage qu’il entendit finalement la porte de l’appartement s’ouvrir. Maroon et Boule ne levèrent même pas le nez de leur panier ce qui indiquait à Aleksej qu’ils avaient déjà basculé du côté obscur de la force. La remarque de Solveig lui mit la puce à l’oreille et il jeta un œil sur sa montre.

“Oh … Deux heures… Hm... Un peu des deux j’imagine.”

Il se frotta le visage et s’étira sur le canapé. Ses yeux étaient légèrement rougis d’avoir lu tout ce temps à la simple lumière de la lampe d’appoint du salon.

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Je retire mes talons hauts avant de rejoindre le danois au salon pour venir l’embrasser sur le sommet du crâne. J’aurai peut-être dû rentrer plus tôt mais Bedelia et moi avions énormément de choses à mettre sur la table pour me faire comprendre certains éléments de ma vie dont j’étais persuadée que je n’en avais pas le contrôle. J’attrape le verre encore entre ses doigts et vais le déposer dans l’évier de la cuisine.

– Tu veux une infusion avant d’aller te coucher ?

Je ne sais pas combien de verres il a pu boire mais je table quand même sur un petit besoin de réhydratation avant d’aller au lit. Et puis, une infusion ne me fera pas de mal non plus. Je mets la bouilloire en route et sors deux mugs sans attendre la réponse de mon compagnon. S’il n’est pas d’humeur à boire quelque chose de chaud, nous rangerons le mug en trop.
En attendant que l’eau chauffe, je rejoins l’homme dans le salon et m’installe près de lui sur le canapé, glissant mes jambes sous moi en essayant de ne pas froisser ma jupe crayon.

– Comment s’est passée ta soirée entre hommes ?

Je ne doute pas qu’elle ait dû lui paraître un peu longue sans moi mais je sais que cela lui a peut-être donné aussi le temps de se reposer sans personne autour. Enfin, personne sauf deux chiens qui, parfois, peuvent être demandeurs d’attention.
Mes doigts viennent se perdre dans les cheveux de l’homme pour venir masser son cuir chevelu. En temps normal, ce genre de petites attentions le détendent. J’espère qu’il en sera de même à deux heures du matin.

Osera-t-il poser la question ? Celle qui le démange si fort que je peux le lire dans son regard perdu.

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Alors que Solveig venait le rejoindre dans le salon, Aleksej se redressa sur le canapé pour essayer de se donner une certaine contenance. Il acquiesça à sa proposition en souriant et la laissa prendre son verre sans broncher. Quand Solveig vint s’assoir à côté de lui, il caressa doucement son genou. Elle n’avait pas l’air particulièrement contrariée ou soucieuse, il en déduit que la soirée avait dû être plutôt positive. Raison de plus pour ne pas la submerger de ses propres angoisses. Il croisa une jambe sur son genou, essayant de prendre une pause plus détendue.

“Maroon et Boule ont eu le droit à une extension de leur temps de promenade ce soir. Tu imagines bien qu’ils n’ont pas demandé leur reste une fois rentrés.”

Si les deux chiens adoraient sortir et ne rechignaient jamais à dépasser sur les horaires habituels, ils oubliaient généralement qu’ils n’avaient pas la même endurance qu’Aleksej. Maroon étant d’un caractère un peu paresseux, son activité préférée restait encore dormir et Boule était encore un jeune chien qui n’avait pas encore la résistance d’un adulte. Ils étaient toujours partants pour faire du rab mais une fois à la maison, le chemin vers le panier était direct.

Le Danois qui avait déjà le regard qui commençait à flancher, ferma les yeux en sentant les doigts de Solveig venir caresser sa tête. Un son grave entre un soupir et un grognement s’échappa de ses lèvres. Il ne faudrait pas qu’elle insiste de trop où il finirait par s’endormir sur place, malgré la curiosité qui tenait son esprit en alerte. Il retira ses lunettes qu’il posa sur la table avec son livre et se frotta les yeux avant de se tourner vers elle. Il caressa doucement sa joue du dos des doigts et lui adressa un sourire tendre. Peut-être comme un signe d’encouragement.

“Tu.. Tu as passé une bonne soirée ?”

La question était un peu maladroite. Il ne voulait pas la brusquer ou lui donner l’impression de la jeter sous les feux des projecteurs. Il était avide de savoir, évidemment. Mais il n’avait pas la moindre intention de la forcer à quoi que ce soit. Quoi qu’en soit le contexte de ce rendez-vous, Bedelia n’en restait pas moins sa thérapeute. Il était parfaitement à même de comprendre ce que cela sous-entendait et il était prêt à respecter ça. Chacun avait besoin de son jardin secret. Et le fait que Solveig ait besoin de son espace à elle n’était rien de nouveau pour lui. C’était quelque chose qu’il avait appris dès les premiers jours de leur relation. S’il avait parfois tendance à l’oublier un peu, il faisait autant d’effort que possible pour ne pas empiéter sur son espace.

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Ce n’est pas vouloir se vanter que de dire qu’après deux ans de relation, je commence à connaître cet homme. Et je sais lorsqu’il n’ose pas me dire quelque chose. J’imagine que l’inverse est tout aussi vraie.

– Est-ce que tu veux savoir si j’ai passé une bonne soirée à déballer tout ce que j’avais sur le cœur à Bedelia ou est-ce que tu veux savoir si j’ai passé une bonne soirée parce qu’il pourrait s’être passé quelque chose entre nous ?

Bien que gênée par ma jupe, je m’approche de lui jusqu’à venir m’asseoir sur ses genoux en passant mes bras autour de son cou.

– Tu sais que je lis en toi comme dans un livre ouvert quand tu as bu, n’est-ce pas ?

Je l’embrasse tendrement et savoure le goût du liquide ambré encore présent sur ses lèvres. Je dois bien admettre que ça, oui, de temps en temps, ça me manque. Un sourire vient se glisser sur mes lèvres tandis que je murmure :

– Il ne s’est rien passé, idiot. Il n’y a que toi.

Et sur ces quelques mots, je l’embrasse de nouveau avec un peu plus de ferveur. Je ne suis pas tout à fait en mesure de comprendre ce qu’il a pu ressentir à l’idée que je sois avec Bedelia ce soir et surtout, jusqu’à si tard. Mais quand je repense à cette foutue boîte dans la chambre d’Aleks au Danemark, je me dis que, malgré tout, j’ai une petite idée de la pointe de jalousie qui a pu le traverser ce soir.

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Aleksej secoua la tête les sourcils froncés. Il n’avait rien voulu sous-entendre. Il laissa échapper un faible grognement, il n’aimait pas qu’on lui attribue des propos qui n’étaient pas les siens. Mais Solveig le prit de cours en venant s’installer sur ses genoux. Il serra les bras de la jeune femme et la caressa doucement. Il leva les yeux au ciel quand elle remarqua que lorsqu’il était sous l’emprise de l’alcool, il n’avait plus de secrets pour elle. Peut-être que c’était vrai, mais elle exagérait un peu. Il n’avait bu que deux verres. Peut-être trois. Pour dire vrai, il n’y avait qu’à deux occasions où il s’était laissé aller à l’ivresse depuis qu’il était avec elle. La première avait fini dans un commissariat de Manhattan et la deuxième sur le canapé après des échanges de sms plutôt limite.

“Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire…”

Une nouvelle fois, elle l’interrompit dans son cheminement de pensées en venant poser ses lèvres sur celle du Danois. Comment pouvait-on avoir une discussion sérieuse dans ces conditions ? Quand elle l’embrassait, Aleksej oubliait tout ce qu’il y avait autour. Heureusement pour lui, Solveig n’utilisait pas cet avantage à mauvais escient. Au deuxième baiser, il aurait été beaucoup plus simple d’oublier toutes les questions et de se laisser aller à la passion du moment. Mais Aleksej était un homme de clarté et il aimait que les choses soient claires.

“Écoute… On s’est tous les deux mis d’accord sur le fait qu’on avait chacun une vie avant l’autre. Ça ne me pose pas de problème que tu sois amie avec William et si tu penses que cette ex qui est aussi ton ex-psy peut t’aider alors je serais aussi ok avec ça. Je veux dire… je n’ai pas de raison d’être possessif parce que tu n’es pas une chose, et que tu ne m’appartiens pas.”

Aleksej avait été élevé entouré de femmes. Il était probablement l’un des premiers défenseurs de la cause féministe. De part son éducation mais aussi de part sa grande sensibilité, il avait toujours considéré les hommes et les femmes sur un pied d’égalité. Relation romantique ou non. Bien sûr, il se plaisait parfois à jouer les gentlemen mais c’était loin d’un comportement de macho. S’il aimait la galanterie, c’était parce qu’il était un grand romantique.

“Et puis, je te fais confiance. C’est juste que… tu as passé la soirée entière avec cette femme, “à déballer ce que tu as sur le coeur” comme tu dis. C’est… Ne te méprends pas, je comprends parfaitement, mais… peut-être que oui, je suis un peu envieux de ça.”

Ses joues avaient légèrement rosies d’avoir osé lui avouer cette faiblesse. Il avait baissé les yeux un instant, comme un enfant qui avouerait un méfait. Il releva la tête vers elle, en se mordant la lèvre inférieure. Il tenta néanmoins un sourire timide.

“Mais si ça peut te faire plaisir, je peux jouer le petit ami ultra possessif pour une soirée…”

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– J’adore quand tu me parles comme ça.

Aleksej n’est pas du genre possessif, ce qui le différencie énormément de mes exs. Et même si je suis reconnaissante du fait qu’il me fasse assez confiance pour ne pas jouer les enquêteurs privés quand je vois quelqu’un comme Will ou Bedelia, je ne peux pas m’empêcher d’espérer que, de temps en temps, le danois montre les crocs. Vous savez, juste pour prouver aux autres qu’il a quelque chose qui lui appartient. J’ai conscience que pour une femme qui défend le droit de ses paires à tort et à travers, cela fait un peu tâche mais j’imagine que cela fait aussi mon charme. J’aime ma liberté plus que tout et Aleksej le sait. Mais j’aime aussi lorsque je parviens à atteindre une de ses cordes sensibles qui déclenche alors un instinct un peu plus primaire chez lui.

– Ne sois pas envieux. Nous sommes identiques, toi et moi ; il y a certaines choses que nous n’arrivons pas encore à nous dire mais je ne désespère pas. On finira bien par y arriver.

Le danois et moi-même sommes des gens particulièrement complexes mais là encore, je crois que cela fait notre charme. Après tout, nous faisons toujours sensation lors de nos soirées en public et nos silences interrogent. Souvent, nos regards suffisent et cela en agace plus d’un autour de nous.

– Et si tu prenais du galon ?

J’ai conscience que mes propos laissent place à plusieurs hypothèses et cela est voulu.

– “Petit ami” c’est bien mais… Tu es un peu plus que mon petit ami, Aleksej Svendsen.

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Les joues du Danois rosirent encore un peu plus lorsque la jeune femme lui avoua apprécier les propos qu’il lui tenait. Aleksej n’était jamais réellement sûr quand il s’agissait de laisser entrevoir ses faiblesses. Il savait que s’il voulait être entièrement honnête envers elle, il devait se frotter aussi à cet exercice-là. Ça ne le rendait pas plus aisé pour autant. Cela ne collait pas non plus à l’image que le monde avait de lui. Mais est-ce que Solveig serait tombé sous son charme s’il elle n’avait pas entrevu cette pointe de vulnérabilité chez lui, alors même qu’ils se considéraient comme ennemis.

Les paroles de Solveig levèrent un poids de sa poitrine et l’apaisèrent immédiatement. Même si elle n’apportait pas réellement une réponse à ses doutes, la jeune femme semblait si sûre d’elle que cette confiance avait immédiatement calmé les turpitudes de l’esprit du Danois. Il ne s’agissait que de patience. Une qualité qu’Aleksej avait cultivé dès son plus jeune âge, mais qui avait tendance à s’effriter au contact de la jeune femme. Il devait bien avouer qu’il était devenu plus empressé depuis ce premier baiser à Central Park. Elle le rendait plus impatient et peut-être même plus fougueux. Des émotions qu’Aleksej avait depuis longtemps oubliées, s’il les avait même un jour ressenti.

Alors que Solveig rebondissait sur sa petite plaisanterie, il se sentit assez d’humeur à continuer ce petit jeu. Tous les deux avaient toujours bien aimé se chercher et se taquiner.

“Il paraît que nous sommes colocataires, oui. Mais étant donné cette manie que tu as de me caresser les cheveux en ce moment, je me demande parfois si tu ne me confonds pas avec un des chiens…”

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L’une de mes mains s’empare de son menton, forçant l’homme à me regarder droit dans les yeux. Je ne prête pas attention aux légères marques que mes ongles pourraient laisser sur sa peau.

– Je suis sérieuse.

Aleksej me connaît suffisamment pour savoir quand je plaisante ou non mais, par mesure de sécurité, je préfère mettre les choses au clair. Il est tard et après m’être livrée pendant des heures à une femme qui peut se narguer de très bien me connaître, je n’ai pas envie de jouer.


– A quel point aimes-tu cet homme, Solveig ?
– Je pense que tu le sais.
– Pour une fois dans ta vie, rends-moi la tâche un peu moins compliquée et réponds à la question.
– Je donnerai ma vie pour lui.


Ma main jusqu’alors sur son visage vient se glisser dans sa nuque, l’autre faisant de même.

– Tu es beaucoup plus qu’un colocataire, petit-ami ou que sais-je. Tu es mon confident, la personne en qui je crois le plus, celui pour qui je prendrais une balle sans la moindre hésitation. Est-ce que tu comprends ça, Aleksej ?

Il est relativement rare que je prononce son prénom en entier, j’imagine que cela suffira à faire comprendre au danois combien je suis sérieuse actuellement.

– Tu m’acceptes telle que je suis sans jamais me remettre en question. Tu n’as pas hésité longtemps avant de me faire visiter la ville de ton enfance alors qu’on savait toi comme moi combien revoir toute ta famille t’angoissait. Mais tu l’as fait. Pour moi. Tu ne m'as lâché quand j'ai sombré dans l'alcool. Tu as même été jusqu'à accepter de faire face à tes propres démons pour être sûr de pouvoir être là pour moi quand j'étais malade. Je sais combien tu t'en veux de ne pas avoir été présent dès le premier jour mais c'était ma décision, Aleksej. Il le fallait. Pour toi. Pour nous.

Mes doigts se resserrent lentement contre sa nuque tandis que mon front vient se coller au sien.

– Tu es ma bouée de sauvetage quand je perds pied. A chaque fois. Tu comprends ? Je ne me vois pas vivre sans toi. Parfois, j’ai même l’impression de ne plus savoir ce qu’a été ma vie avant que tu en fasses partie.

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Le regard d’Aleksej perdit toute trace de malice lorsque Solveig planta ses yeux dans les siens et lui dit qu’elle était sérieuse. Il comprit instantanément que l’heure n’était plus à la plaisanterie. À mesure que la jeune femme s’exprimait, un air plus grave s’installait sur le visage du Danois. Peut-être aussi une pointe d’hébétement. Lui avec ses gros sabots, il ne l’avait pas vu venir. Les paroles de la brunette lui coupaient la chique. Il ne doutait pas des sentiments de Solveig à son égard mais c’était probablement la première fois qu’elle les formulait d’une telle manière. Il déglutit avec une certaine difficulté lorsqu’elle l’interpella par son prénom entier. Dès le départ, elle avait prit l’habitude de l’appeler par son diminutif, chose qu’il ne consentait que pour elle. Et lorsqu’il arrivait qu’elle le formule en entier, ce qui était plutôt rare, il s’agissait de moment emprunt soit de gravité, soit de passion. Il se contenta d’acquiescer.

Il déglutit une nouvelle fois en sentant les mains de la jeune femme se serrer contre sa nuque. La promiscuité de leurs visages ne faisait qu’accentuer la profondeur des paroles de Solveig. Elle ne faisait que reprendre son souffle, il savait qu’elle n’avait pas terminé. Ses mots le frappèrent de plein fouet. À tel point qu’il en oubliait presque de respirer. Elle ne réalisait peut-être pas l’intensité de sa déclaration, la force de ses révélations. Ou peut-être que si. Peut-être que c’était le but recherché.

Aleksej passa ses bras autour de la jeune femme et l’attira contre lui, la lovant contre torse. Il ne s’agissait pas juste d’un câlin ordinaire. Il la tenait fermement contre elle, comme s’il avait peur qu’elle ne s’échappe. Peur que tout ça ne soit qu’une invention de son imagination et qu’il ne se réveille seul dans son appartement de Manhattan. Mais elle était bien là. Il pouvait sentir son souffle contre sa peau, son odeur lorsqu’il frottait son visage contre sa tête. Il se pencha vers oreille et d’un murmure presque inaudible laissa échapper sa propre vérité.

“Je ne savais pas ce que c’était de vivre avant toi… Tu es la femme de ma vie.”

Il ne s’agissait pas d’une simple déclaration d’amour. Pour Aleksej, c’était un manifeste. Une profession de foi dont il avait eu peur depuis le début. Mais il l’avait toujours su. Tout l’amour qui avait eu pour Lena, son épanouissement en tant que père, il ne voulait pas et ne pouvait pas le renier. Mais il ne pouvait pas non plus prétendre que c’était simplement différent. Il ne pouvait plus nier que les sentiments qu’il avait pour Solveig dépassait l’entendement et tout ce qu’il avait jamais ressenti auparavant.

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J’ai eu, pendant de nombreuses années, un discours relativement similaire à celui de Cher. Oui, la chanteuse. Oui, je suis née il y a longtemps. Lors d’une interview de 1996, elle a dit : “les hommes ne sont pas une nécessité, ils sont un luxe, comme les desserts”. Je me souviens encore de l’effet que cette seule phrase m’a fait à l’époque, moi, la jeune Solveig devant son écran de télévision. J’avais onze ans, je n’étais qu’une enfant et pourtant, j’ai gardé ces mots ancrés en moi depuis ce jour.
Cependant, aujourd’hui, à l’âge de 36 ans, je réalise qu’Aleksej est devenu bien plus qu’un luxe. Il est ce pourquoi je me lève tous les matins. Peut-on alors dire qu’il est devenu une nécessité dans ma vie ? Oui. Est-ce que cela fait de moi une femme différente de la tempétueuse Solveig Lazzari de onze ans ? Je n’en suis pas certaine. Si ce ne sont les rides que j’ai gagnées au fil des années, je ne pense pas avoir fondamentalement changé malgré mes sentiments absolument exacerbés pour Aleksej Svendsen.

Son aveu me bouleverse autant que mes mots semblent l’avoir bouleversé. Je le vois dans ses yeux. Il ne s’attendait pas à ce que je joue franc jeu à ce point, il n’y est pas habitué. En vérité, venant de moi, personne n’y est réellement habitué sauf quand il est question de pousser une gueulante. Là, bien entendu, je suis toujours la première. Cependant, quand il est question de mes sentiments, il n’est pas rare de me voir botter en touche. Me révéler m’a toujours fait peur car je savais que n’importe qui pouvait se sentir de cette partie de moi contre moi. Or, il est hors de question que je laisse ce pouvoir à n’importe qui… Si ce n’est Aleksej.

– Je t’aime comme une malade, comme une furieuse, comme une morte de faim, dis-je avant de l’embrasser passionnément avant de me débarrasser de mes vêtements devenus subitement trop encombrants.

(...)

Il est 9 heures du matin bien tassé quand l’homme à mes côtés ouvre les yeux tandis que mes doigts s’affairent à caresser sa joue avec toute la délicatesse possible.

– Bonjour la Belle au bois dormant.

Nous sommes vendredi. Lui comme moi devrions déjà être à nos bureaux respectifs mais cela n’arrivera pas. J’ai appelé sa secrétaire pour dire qu’il avait eu une intoxication alimentaire la veille au soir et qu’il ne pourra pas venir travailler avant cet après-midi. Quant à ma propre excuse, j’ai dit à mon supérieur que j’avais un problème relativement similaire à celui de mon compagnon. Oui, je suis une parfaite menteuse et oui, peut-être que j’irai en Enfer pour ça mais je n’ai aucun regret.

Je me rapproche d’Aleks et viens l’embrasser tendrement sur la joue.

– Bien dormi ?

Il est évident que lui comme moi n’avons pas assez dormi mais à défaut de quelques heures manqués, j’espère que sa qualité de sommeil n’aura pas été trop altérée.

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Quand Aleksej entrouvrit l’œil, la luminosité de la chambre ne lui était pas familière ce qui le força à le refermer. En entendant la voix de Solveig, ses sourcils se levèrent, mais il ne rouvrit pas les yeux pour autant. Seul un sourire vont fendre son visage au contact des doigts de la brune contre sa joue, suivi bientôt par ses lèvres. Il ouvrit finalement les yeux qui clignèrent à plusieurs reprises pour s’accommoder du jour qui était déjà bien entamé. Ses sourcils se froncèrent néanmoins.

“Le travail… il faut que j’aille au travail !”

Il referma les yeux en grognant avant de venir se blottir contre la poitrine nue de sa chère et tendre.

“Noonnn… Appel ma secrétaire. Dis-lui que je suis malade. De la plus grave des maladies. Dis-lui que je suis malade d’amour et que je refuse tout traitement…”

Bien au chaud contre elle, il passa ses bras autour de la brunette en grognant d’aise. Il n’était pas question qu’il bouge le moindre orteil. En serait-il d’ailleurs capable ? La nuit dernière, il avait probablement donné tout ce qu’il avait et les courbatures ne tarderaient pas à venir le lui rappeler une fois qu’il aurait daigné changer de position. Il releva néanmoins le visage vers elle quand elle lui demanda s’il avait bien dormi.

“Dormir n’est pas tout à fait ce que j’ai retenu de la nuit passée…”

Ses lèvres vinrent se poser dans le coup de la brunette alors qu’il raffermit un peu plus son étreinte. Il aimait le contact de sa peau contre la sienne, sentir son ventre contre le sien se soulever à chaque respiration. C’était apaisant. Il ferma à nouveau les yeux et tout en frottant son nez contre la ligne de sa mâchoire, il se délecta de son odeur. Leur odeur. Il se remémorait les évènements de la veille, la déclaration de Solveig, l’aveu de leur amour mutuel.

“Jeg ville elske dig hver dag, når solen stiger, min kærlighed.”

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– Tu seras heureux d’apprendre que ta secrétaire est déjà prévenue, cependant je préfère t’informer que ta maladie d’amour ressemble plus à une sale intoxication alimentaire due à des sushis douteux, dis-je en embrassant le sommet de son crâne tandis que l”homme vient de se loger confortablement contre moi. “Tu es donc prié de te montrer un peu patraque au bureau cet après-midi.”

Un sourire amusé (et qui cache difficilement ma fierté) vient trouver place sur mes lèvres quand je l’entends me dire que dormir n’est pas ce qu’il a retenu de la nuit que nous venons de passer. Moi non plus, bien entendu mais je tenais tout de même à me montrer soucieuse de la qualité de son sommeil.

Aleksej ne me laisse pas le temps de répondre à son baiser qu’il a déjà repris place contre moi. J’imagine que j’aurai d’autres occasions.

– Je suis quasiment certaine que tu viens de me dire que tu m’aimeras tous les jours où il y aura du soleil donc… Merci.

Mon niveau de danois n’est pas aussi mauvais qu’il l’était il y a un an mais je ne suis pas devenue bilingue pour autant et Aleks le sait très bien. Cependant, cela ne l’arrête pas et il me parle dans sa langue natale dès qu’il en a l’occasion. Trois fois sur quatre, je ne comprends pas un seul mot mais au moins, j’essaie. J’imagine que c’est ce qui le pousse à ne pas renoncer.

– Et...pour la postérité, sache que moi aussi, je t’aime.

Non pas que le doute soit permis mais je ne me vois pas ne pas dire quelque chose en retour. Aleks et moi n’avons pas toujours besoin de vocaliser nos sentiments, un seul regard suffit mais je n’oublie pas pour autant le bonheur que cela peut être d’entendre l’autre nous rappeler ses sentiments.
Déjà petite, j’évitais de m’attacher à trop de gens. Les connexions humaines m’inquiétaient de par leur aspect éphémère. Peu d’avis, peu de relations sérieuses… Voilà ce à quoi ressemblait ma vie jusqu’à ce que je croise la route de William. Et puis, il s’est passé ce qu’il s’est passé et je me suis renfermée. Heureusement pour moi, Aleksej est entré dans ma vie et a bousculé toutes mes certitudes sur l’amour et les connexions humaines.

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Aleksej releva la tête vers elle en souriant. Cela ne l’étonnait pas le moins du monde qu’elle ait pris l’initiative d’appeler son bureau pour le faire porter pâle et le laisser finir tranquillement sa nuit. Ce qui était plus étonnant était qu’elle en fasse de même pour son travail. Solveig n’était pas du genre à louper une journée de boulot sans avoir une raison impérieuse. Cette seule pensée, élargit un peu plus le sourire qu’il portait sur ses lèvres. Il laissa échapper un petit rire quand elle lui enjoint de faire le malade au bureau dans l’après-midi. Il poussa un soupir en secouant la tête négativement.

“C’est vendredi aujourd’hui. Il n’est pas question que l’un de nous deux remette les pieds au bureau.”

Le Danois enroula également ses jambes autour de la belle de sorte qu’elle soit complètement prise par son étreinte.

“Je n’ai absolument pas l’intention de te laisser quitter ce lit aujourd’hui, Mademoiselle Lazzari…”

Si déjà il était amené à mentir, autant que le jeu en vaille la chandelle. Et après la soirée et la nuit qu’ils avaient passées, il n’avait aucune envie d’être séparée d’elle. Il voulait que ce moment dure encore. Profiter un tout petit peu plus longtemps de cette sensation de sérénité. Les dernières heures qu’ils avaient passées ensemble n’avaient plus laissé aucune place aux doutes et aux incertitudes. Il était bien décidé à profiter aussi du fait que la jeune femme soit particulièrement communicative quant à ses sentiments. S’il avait eu la preuve de son amour par les actes, le fait qu’elle sente le besoin de le dire était rare et précieux.

“Je sais… Et tu m’en as largement fait la démonstration hier soir… J’ai pensé que tu n’en aurais jamais assez…”

Life is our only true possession.

– Tu devrais savoir que je n’en ai jamais assez, dis-je avant de l’embrasser tendrement en passant une main dans ses cheveux en désordre. “Mais il faut quand même que j’aille travailler cet après-midi. J’ai un dossier important en cours que je ne peux pas laisser dormir jusqu'à lundi matin.”

Aleksej me connait assez pour savoir que je serai incapable de ne pas jeter un coup d’oeil à mon travail avant lundi. Même si l’idée de rester toute la journée sous les draps est particulièrement tentante, je ne peux pas en oublier toutes mes responsabilités pour autant. Il en est de même pour le danois.

– Il y a quelque chose que je n’ai pas eu le temps de te dire cette nuit…

Au fond de moi, je sens un feu prendre sans que je ne puisse rien y faire. Il n’y aura pas de bon moment. Je ne suis pas le genre de personne ultra romantique à préparer tout un speech, à réserver dans un restaurant étoilé. Et je sais qu’Aleksej n’aimerait pas ça. Notre intimité est bien trop précieuse, j’en ai conscience. C’est l’une des choses sur lesquelles nous ne nous disputerons jamais.

– Donc...tu as acheté une bague mais tu n’arrives pas à faire ta demande.
– J’imagine qu’on peut dire ça, oui.
– Qu’est-ce qui t’en empêche ?
– Tu plaisantes, j’espère ?
– Solveig.
– Tu sais ce que ça voudrait dire.
– Épouser un homme ne signifie pas perdre ta liberté.
– Mais je deviendrai la femme de quelqu’un.
– Solveig, c’est toi qui as acheté cette bague.


Lentement, mes doigts viennent se perdre dans la nuque de l’homme au-dessus de moi. Il n’y aura pas de bon moment. Je ne suis pas dans un film. Il n’y aura aucune musique qui va se déclencher en fond. Le moment importe peu. Ce sont les mots qui vont jouer.

– Comment est-ce que tu m’as appelé il y a un instant ?

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Aleksej savoura avec bonheur le baiser de la brunette. Mais il semblait bien que le plaisir serait de courte durée. C’était un combat dans lequel il ne valait mieux pas se lancer, car il était perdu d’avance. Si Solveig était décidée à retourner au travail, il n’y avait rien qu’il pourrait dire pour l’en dissuader. Ni faire d’ailleurs. Il libéra la jeune femme de l’entrave que formait ses jambes, résigné. Son sourire avait laissé la place à une moue désappointée. Bien évidemment, il comprenait que si Solveig tenait à retourner au bureau, c’était qu’elle avait là aussi une bonne raison ce qui ne l’empêchait pas d’être un peu déçu.

“S’il faut vraiment…”

Il profiterait du temps qu’elle voudrait bien lui donner. Ce n’était déjà pas si mal. Et puis la fin de la journée annoncerait le week-end. Avec un peu de chance, Solveig finira ses dossiers dans la journée et ils pourraient profiter pleinement des deux jours à venir. Cela faisait un certain temps qu’il n’avait pas séjourné à Montauk et ça lui manquait un peu. S’extraire de la ville et des obligations de la vie sociale. Prendre un autre rythme et vivre comme si le monde autour d’eux n’existait pas. Il savait que c’était beaucoup demander. Il n’avait d’ailleurs pas l’intention de le faire. Alors qu’il laissait les souvenirs des moments passés là-bas le bercer gentiment d’illusions, il avait simplement hoché la tête quand Solveig avait pris la parole. Pour lui, il s’agissait seulement d’une expression pour continuer la discussion. Perdu dans ses pensées, il ne l’écoutait que vaguement.

“Hmm…”

C’est seulement les caresses de la jeune femme dans sa nuque qui le tirèrent de sa rêverie. Il avait laissé son esprit divaguer au fil de ses pensées. Il cligna plusieurs fois des yeux et secoua légèrement la tête.

“Hein ? Excuse-moi, qu'est ce que tu disais? Euh… par ton nom ?”

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Il m’épuise. Même dans les moments importants, il faut qu’il laisse son esprit divaguer ailleurs. Voyez, ça, c’est une des choses qui me rendent dingue chez lui. Faut-il que je l’aime pour supporter une chose pareille.

– Mon nom, oui. Eh bien, à ce sujet…

Je suis en train de perdre pied. Ça me fiche les jetons. Pourquoi ai-je peur d’une demande en mariage ? Cela n’a aucun sens. J’ai dû affronter tellement pire par le passé, ce n’est tout de même pas le fait de demander à Aleksej de m’épouser qui va me réduire en miettes, si ?

– Tu veux bien me laisser sortir du lit une petite minute, s’il te plaît ?

Là, j’ai conscience que je lui en demande beaucoup et qu’il va me falloir être particulièrement maligne pour qu’il accepte de me laisser ne serait-ce que le temps de quelques secondes. Aleksej ne le montre que très rarement en public mais il aime le contact. Il aime beaucoup le contact. En particulier quand je suis nue sous les draps. Une surprise, n’est-ce pas ?

– Juste un instant, dis-je en l’embrassant tout en faisant mon maximum pour me défaire de son étreinte pourtant si réconfortante.

Victoire.
Je parviens à me faxer comme disent certains jusqu’à réussir à sortir du lit non sans oublier d’enrouler l’un des draps autour de mon corps nu. Non, je n’aime pas me promener nue chez moi et ce, même s’il ne s’agit que de quelques pas.

– Ne pose pas de question et ferme les yeux, s’il te plaît.

Aleksej déteste les surprises mais j’espère au fond de moi, que celle-ci lui sera malgré tout agréable. J’ouvre l’une des tiroirs de notre commode et en sors un petit écrin noir simple.


– Qu’est-ce que ça fait de moi, Bedelia ?
– Une femme enfin prête à passer à autre chose. Tu laisses tes blessures derrière toi.


C’est après avoir pris une profonde inspiration que je retourne dans le lit et m’installe en tailleur devant le danois qui a toujours les yeux fermés. J'ouvre l'écrin et me lance...enfin.

– Ouvre les yeux, dis-je dans un premier temps. “J’aimerai ajouter un nom au mien.”

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Aleksej émit un nouveau grognement alors que Solveig tentait de se défaire de son étreinte. Pourquoi les moments les plus agréables avaient-ils une date d’expiration si courte. Qui avait-il de si urgent, un vendredi matin, alors qu’ils avaient déjà loupé le coche pour aller au travail pour ne pas en profiter pour goûter ces moments à leur juste valeur ? Mais quand Solveig avait quelque chose en tête… Il l’observa se dépatouiller avec le drap tant bien que mal, ce qui lui arracha un sourire goguenard. Il ne comprenait pas cette manie qu’elle avait de devoir absolument être couverte lorsqu’elle quittait leur lit. Ce n’était pas comme s’il n’avait pas déjà vu ce qu’il y avait à voir. Mais il trouvait ça mignon et c’était aussi ce qui faisait partie de son charme.

Il leva les yeux au ciel lorsqu’elle lui enjoint de fermer les yeux et surtout de ne pas poser de question. Aleksej détestait être surpris. Il avait depuis longtemps forgé l’habitude de tout contrôler. C’était la meilleure solution qu’il avait trouvé pour ne jamais être pris au dépourvu. Mais parce qu’il savait qu’elle savait, il en déduisait également qu’elle ne lui ferait pas cette demande sans motif valable. Il avait conscience que ce genre de trait de caractère obligeait Solveig à prendre des gants avec lui parfois et il essayait de s’améliorer sur ce genre de comportement. Il obéit donc à la brunette sans ajouter quoi que ce soit.

Lorsqu’il ouvrit les yeux, ces derniers ne se posèrent pas directement sur l’écrin qu’elle tenait. C’est au moment où il allait se relever pour s’assoir que les paroles de la jeune femme firent un premier tilt dans sa tête. Son corps se redressa d’un mouvement brusque. Son regard se posa alors sur la boîte puis sur Solveig puis sur la boîte à nouveau.

“C’est… tu… c’est une bague…”

Ses yeux clignèrent plusieurs fois. Aleksej n’était généralement pas long à la détente mais l’information qu’il devait enregistrer était au-dessus de son entendement. Est-ce qu’il avait déjà envisagé cette possibilité ? Oui, l’idée lui avait déjà traversé l’esprit une fois ou l’autre. Mais il ne l’avait jamais laissé faire son chemin. Parce qu’il était à mille lieu d’imaginer que Solveig l’envisageait. Il leva son air ébété vers la jeune femme. Si des esquisses de sourire se dessinaient sur son visage, il n’était pas sûr. Pendant trop longtemps, il s’était caché derrière sa carapace de pierre pour ne plus être touché par les mauvaises choses. Les bonnes non plus.

Il y avait encore cette petite part de lui qui refusait d’y croire. Qui ne voulait pas que son cerveau fasse les connexions et en tire les conclusions qui étaient pourtant évidentes. Un espèce de filet de sécurité pour se prémunir des ravages de l’espoir. Mais qui le tenait également à distance du bonheur.

“Tu veux… Sérieusement ?”

L’étonnement avait fait place à autre chose. Dans son regard, ce n’était plus la surprise mais l’espoir. Ce fichu espoir. Les yeux d’Aleksej était à présent ceux d’un enfant à qui on aurait promis la lune. Pourtant, il détestait les promesses. Elles l’avaient trop violemment blessé et mis à terre. Mais s’il y avait bien un changement que Solveig avait amené à sa vie, c’était celui d’avoir envie d’y croire, de prendre le risque. Jouer le tout pour le tout au risque d’en payer le prix fort.

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Pendant un très court instant, j’ai l’impression de l’entendre dire “c’est une blague” jusqu’à ce que je réalise enfin que j’ai ajouté une lettre en trop. Il vient simplement de faire le constat qu’il a une bague sous les yeux. Pour une fois, je suis très contente de l’entendre dire une chose bête parce que l’autre option m’aurait profondément blessée. Imaginez qu’il m’ait vraiment “C’est une blague”. Imaginez le choc émotionnel que cela aurait été pour moi qui ai déjà eu tant de mal à faire cette demande. Alors oui, je sais, je n’ai pas encore posé la question mais cela va venir. Je veux d’abord m’assurer qu’Aleksej et moi sommes sur la même longueur d’onde.

– Je n’ai jamais été aussi sérieuse de toute ma vie.

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de faire de grand discours. Je l’aime et Bedelia a raison, il faut que j’arrive enfin à mettre mes douleurs du passé derrière moi car celles-ci ne me mèneront nulle part si ce n’est dans des ténèbres que je n’ai pas envie de côtoyer. A quoi bon continuer de ressasser tous les événements qui m’ont fait du mal ? William, lui aussi, m’a dit qu’il était temps pour moi d’avancer et de m’accorder le bonheur. Il ne peut pas avoir tort, je ne sais juste pas exactement comment m’y prendre encore. Mais j’ose croire que cela viendra. Un pas après l’autre et tout ira bien. Surtout si j’ai Aleksej à mes côtés.

– Alors...si tu te sens prêt à repasser par la case “marié pour le meilleur et pour le pire”, la seule chose que je peux te promettre c’est de tout faire pour que, cette fois, tu ne vois que le meilleur.

Il a assez souffert comme cela aussi et je ne peux pas oublier cela. Mes douleurs et mes cicatrices sont là mais celles d’Aleksej le sont tout autant. Alors non, tout ne sera pas facile et certains jours seront bien plus compliqués que d’autres mais cela ne veut pas pour autant dire que nous ne pouvons pas essayer d’avancer et de laisser les ténèbres derrière nous...ensemble.

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Elle était sérieuse. Aleksej l’observait avec de grands yeux ahuris. Comme une biche arrêtée au bord de la route, éblouie par les phares d’une voiture. Il tira un peu le drap vers lui, tentant de garder une certaine contenance. Il se sentait ridicule face à elle, nu comme un ver. Soudainement vulnérable. Il n’était pas dans une position appropriée. Ou peut-être était-ce lui qui n’était pas approprié. Il regrettait à présent les blagues grivoises et son humour un peu limite. Depuis leur réveil Solveig avait dû cogiter ce moment alors que lui ne pensait qu’à sécher le boulot et à profiter de la journée pour flemmarder.

Certaines connexions commençaient à se faire dans la tête d’Aleksej. Pas depuis leur réveil. Il ne s’agissait pas d’une demande improvisée. Elle était entrée un jour dans une bijouterie assez déterminée pour en ressortir avec ladite bague. Et Aleksej ne l’avait pas vu venir. Même pas un peu. Avait-il attaché son attention aux mauvaises choses ? Est-ce qu’il était passé à côté de l’important ? Trop de question naissaient de l’incompréhension qu’il avait de la situation. Il ne pensait pas que Solveig serait un jour prête à ce genre d’engagement. Les expériences du passé sont celles qui déterminent nos actions du futur. Et celle de la jeune femme en matière de mariage était plus que douloureuse.

“Tu… tu veux que je sois ton mari ?”

Il fallait qu’il vérifie. Pas parce qu’il doutait d’elle. Parce qu’il doutait de lui. Encore et toujours. Sous son armure infranchissable, derrière l’air arrogant qu’on pouvait lui prêter, il y avait toujours le doute. Avoir l’impression de ne jamais être assez bon, assez juste. Et Solveig avait fait rompre tous les barrages qu’il avait dressés pendant toutes ces années. Il ne restait plus que lui. Avec ses blessures et ses casseroles. Avec son opiniâtreté et ses états d’âmes. Que restait-il encore de lui à aimer ?

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– Sans vouloir me vanter, je suis presque certaine que c’est ce que je veux en te demandant de m’épouser, oui.

Il ne réalise vraiment pas ce qui se passe. Je ne sais pas comment le prendre. Devrais-je me sentir flatté de le prendre par surprise à ce point ou, au contraire, devrais-je commencer à m’inquiéter de son hésitation ? Peut-être un peu des deux.

– Tu...tu penses que c’est trop tôt, c’est ça ? Je me précipite ?

Après tout, ces interrogations sont légitimes. Nous ne sommes pas ensemble depuis si longtemps que cela comparé à bon nombre de couples. Bien qu’à lire Cosmopolitan, il semblerait qu’Aleksej et moi soyons dans les clous puisque, d’après Bridebook, une entreprise ayant créé une application de wedding planner, la moyenne serait de 22 mois de vie commune avant une demande en mariage. S’il vous plaît, ne me demandez pas comment j’ai atterri avec un tel magazine dans les mains. Il y a des choses qu’il vaut mieux passer sous silence.
Attention, on parle bien d’une demande en mariage et non du mariage à proprement parler. Là, il faut plutôt compter cinq ans. Pas sûr qu’Aleks et moi attendions si longtemps. Je suis patience, lui aussi, mais il ne faudrait peut-être pas trop nous en demander pour autant.

– Je ne veux pas te laisser penser que je n’ai pas réfléchi sérieusement à cette demande, tu sais. Ca m’a causé pas mal de nuits blanches, pour être tout à fait sincère avec toi mais après tout ce par quoi nous sommes passés, je reste sûr de moi. Je t’aime et je ne compte pas te laisser filer entre mes doigts. Et Dieu sait que bon nombre de nanas dehors rêveraient de te mettre le grappin dessus.

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Il avait besoin qu’elle le dise. Qu’elle mette des mots sur sa demande. Parce qu’il avait tellement peur de mal interpréter la situation. Ce qu’elle finit par faire en répondant maladroitement à sa question. Son cœur s’était mis à battre plus vite. Plus fort. Le Danois sentait ses joues s’échauffer. Un sourire hagard avait pris place sur ses lèvres et ses yeux était brillant. Elle voulait l’épouser. Elle voulait vraiment l’épouser.

Quand Solveig se mit en mode “moulin à parole”, il réalisa que sa réaction n’était peut-être pas des plus appropriée. Il aurait au moins eu le mérite d’être honnête. Et même s’il avait voulu rajouter quelque chose, la jeune femme ne lui laissa pas l’occasion d’en placer une. Il connaissait cette manière qu’elle avait de s’emballer. Il avait toujours trouvé ça très attendrissant. D’ailleurs c’était probablement ce qui lui avait fait poser un regard différent sur elle, à l’époque. Ces moments d’incertitude où elle semblait soudain beaucoup moins sûre d’elle. Assez en sécurité tout de même pour s’autoriser à être vulnérable.

S’il continuait à la laisser parler, cette discussion ne finirait jamais. Aleksej ne l’entendait déjà plus. À ses oreilles résonnait le fracas des battements de son propre coeur. Baboum. Baboum. Si le contexte avait été différent, il se serait probablement inquiété. Baboum. Baboum. Son corps se mua au rythme des pulsations de son myocarde. Il se trouvait à présent à genou sur le lit. Tant pis pour le drap. Après tout, il n’y avait probablement plus de place pour la pudeur entre eux deux. Les mains du Danois vinrent cerner le visage de la jeune femme. Il mit fin à son discours par un baiser tendre.

Peut-être un peu pressant aussi. Le simple contact de ses lèvres l’électrisait. Aleksej réalisait alors quelque chose qu’il savait probablement déjà au fond de lui. Il voulait tout. Il la voulait elle. Pour le meilleur et pour le pire. Quelles que soient les épreuves que la vie leur réservait. Il se laissa aller en arrière et l’attira avec lui. Continuant à l’embrasser fougueusement. Ses lèvres, ses yeux, ses joues, son cou. Un millier de baisers pour un millier de réponses.

“Évidemment que oui.”

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– Oui, Richard… Non, Richard…. Oui, je sais… Tu peux évidemment compter sur moi… Très bien, à lundi… Oui, bon week-end à toi également.

Je laisse enfin sortir ma frustration au-travers d’un râle qui me semble interminable tandis que je viens de raccrocher d’une conversation tout aussi interminable avec l’un de mes collaborateurs. C’est sans grande surprise (si ce n’est la mienne) que je ne suis jamais retournée au travail aujourd’hui. L’idée était pourtant claire comme de l’eau de roche dans mon esprit : je passais la matinée avec Aleks, je lui demandais de m’épouser et nos vies reprenaient comme si de rien n’était. Mais c’était sans compter sur le danois qui avait d’autres plans pour nous aujourd’hui. Il faut dire que je ne lui ai pas donné trop de fil à retordre pour me convaincre non plus. J’ai décidé de laisser tomber les armes pour une fois mais en le prévenant tout de même que ce ne serait pas tous les jours Noël. Nous sommes en plein cœur de l’été, je sais. C’était pour l’image.


Il est 18h45, Aleks est dans le salon en train de faire je ne sais trop quoi avec les chiens tandis que je me suis isolée dans la cuisine pour cet appel professionnel. Même si cette journée est extraordinaire, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce dossier perdu sur mon perdu. J'aurais pu faire tellement de choses qui m’auraient avancé…

– A quel point suis-je une mauvaise personne pour penser que j’aurai quand même dû aller bosser cet après-midi ? demandai-je au danois en arrivant dans le salon.  

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Si Aleksej avait eu l’impression que le temps s’était arrêté, ce n’était pourtant pas le cas. Il ne savait pas exactement quelle heure il était quand Solveig avait tout de même réussi à la convaincre de s’extraire de leur lit pour aller prendre une douche. Il avait grogné, évidemment. Le fait était que rester au lit alors qu’elle n’y était plus ne présentait que peu d’intérêt. Alors il avait obéit à contre cœur. Au moins, elle n’était pas retournée travailler. Il savait qu’il n’y était pas pour grand-chose. Si Solveig avait réellement voulu retourner au bureau, rien ni personne n’aurait pu l’en empêcher. Du moins, c’est ce qu’il aimait à penser. Qu’elle l’avait choisi lui, plutôt que son travail.

Le Danois se fit tout petit quand elle annonça devoir prendre un coup de fil du bureau. Il écoutait de loin, tout en gratifiant les deux boules de poil qui leur servaient de chiens de câlins affectueux et autres gratouilles sous le ventre. Avant l’opération de Solveig à la fin de l’année précédente, ils s’étaient pourtant mis d’accord tous les deux pour essayer de lever le pied, pour passer plus de temps ensemble. Et puis il y avait eu la maladie et ces deux mois de rémission où ils s’étaient coupés du monde. Il y pensait avec nostalgie. Quand Solveig était retourné travailler, c’était avec encore plus d’entrain et d’ardeur. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Il comprenait.

Il ne voulait pas être un frein à sa carrière. Mais elle lui manquait. Terriblement. Il savait pourtant qu’il n’avait pas le droit de lui demander de faire des concessions sur son travail. C’était l’une des pierres angulaires de leur relation. Une chose sur laquelle ils s’étaient mis d’accord, l’un comme l’autre, au début de leur relation. Seulement Aleksej n’avait plus la même flamme en ce qui concernait son parcours professionnel. Solveig avait fait changer son compas de direction, elle avait déterminé un nouvel ordre dans ses points cardinaux. À présent, son Nord à lui, c’était elle.

Aleksej se mordit la lèvre en entendant la jeune femme et baissa les yeux. Il se sentait fautif de l’avoir retenue.

“C’est… hum... ça prouve seulement que tu as une conscience professionnelle…”

Il voulait lui répondre sur un ton le plus neutre possible. Mais il n’avait pas pu retenir cette pointe d'irritation qui avait percé dans sa voix. Pourtant ce n’était pas ce qu’il voulait. Il voulait que cette journée reste gravée dans leur mémoire comme l’un des plus beaux jours de leur vie. Le détachement dont avait fait preuve la jeune femme après sa demande ne l’aidait pas à conserver l’allégresse qu’il avait ressenti quand il avait compris qu’elle lui demandait effectivement de l’épouser. Peut-être qu’il avait une vision trop idéale des romances. Il était beaucoup trop fleur bleue.

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Je croise les bras et le regarde, l’air amusé. Il cherche à se montrer poli alors qu’au fond, il pense que j’ai vraiment un problème. Aleks n’a pas tort. Il est évident qu’il y a quelque chose de dysfonctionnel chez moi, surtout lorsqu’il s’agit du travail. Je ne suis pas capable de décrocher.

– L’attachement que tu portes depuis longtemps à ta situation professionnelle et à ton rôle dans ce domaine n’a rien d’extraordinaire.
– Mais encore ?
– Tu cherches à fuir une réalité qui t’inquiète une fois rentrée chez toi.
– Parfois je me demande si tu es psy ou une charlatane.

Mon “workaholisme” ou plus communément appelé “addiction au travail” a été au cœur de bon nombre de conversations avec Bedelia lors de mes séances dans son cabinet. Elle n’a eu de cesse pendant des heures de m’expliquer que tous les drames vécus dans ma vie m’avaient conduite à me pousser excessivement au travail de manière à avoir quelque chose de concret et de réussi. Il semblerait que beaucoup de gens fassent cela, surtout de nos jours.

– J’aimerai vraiment apprendre à décrocher mais j’ai acquis des automatismes qu’il m’est particulièrement difficile de laisser tomber, avoué-je simplement avant de me rapprocher le danois et de passer ma main dans ses cheveux. "Qui sait, devenir une femme mariée me fera peut-être changer."