En cette matinée ensoleillée - incroyable ce que le réchauffement climatique a fait à l'automne sur la côte est - Debbie est affairée parmi les pingouins en costards qui ont l'air de crier tout seul avec leurs AirPods. Elle ne peut s'empêcher de contempler la bizarrerie de ce spectacle et de s'imaginer combien ces messieurs seraient moqués et dénigrés s'ils portaient de vieux vêtements un peu sales et n'avaient pas leurs précieux écouteurs blancs vissés sur les oreilles. Evidemment, elle peut les comprendre. Après tout, la comédienne aussi est dotée d'une ambition sans faille et possède une ferme détermination qui en a intimidé plus d'un. Et, en digne représentante de Serpentard, elle ne s'en cache pas et n'en a pas honte. On fait ce qu'on peut pour avancer dans la vie. Pour Debbie Sinclair, cela passe par soudoyer son père absent et se faire connaître de tous les directeurs et directrices de casting de Broadway. Pour ces gens, il s'agit apparemment de courir dans tous les sens en ayant l'air occupé et agacé.

Mais la blonde n'a pas fait tout le chemin jusqu'à Manhattan pour se plonger dans une contemplative étude sociologique des businessmen du coin. Elle est là pour faire chauffer sa carte bleue avant de retourner répéter. S'agit-il d'une petite récompense car le Jour J approche ou plutôt d'une méthode peu efficace pour gérer son stress? Un peu des deux, sans doute. Mais, elle avait besoin de nouvelles bottes, après tout. Après quelques tours et détours, Debbie se rend compte qu'elle n'est pas très loin de la boutique de Vera. Et donc, d'Adriel. Elle réalise alors qu'elle n'a jamais rendu visite au jeune homme sur son lieu de travail, apparemment le nerf de la guerre de la rivalité entre ses deux amis. Piquée par la curiosité, elle cherche rapidement le nom de la boutique sur Maps et elle s'avère être à 5 minutes à peine. Le hasard ne fait-il pas merveilleusement bien les choses?

Deb pousse donc la porte du magasin, qui propose une vaste collection de T-shirts à message et divers accessoires. Elle ne peut retenir un sourire en coin devant certaines des citations s'étalant sur la marchandise, partagée entre l'amusement et une brûlante envie de se moquer gentiment du côté un tantinet beauf du concept. Mais, elle se doit de reconnaître que le design des inscriptions est bien meilleur que ce qu'elle a pu voir ailleurs. La blonde lance alors à la cantonade « Y a quelqu'un? » La boutique vient sûrement juste d'ouvrir, vu l'heure et elle se demande si elle n'interrompt pas la pause café du patron. Mais il fait rapidement son apparition et elle lui adresse un large sourire. La blonde fait quelques pas et l'enlace brièvement, avant d'expliquer sa présence, sans doute incongrue au vu de leur degré d'amitié. « Je faisais du shopping dans le coin et je me suis dit que c'était l'occasion de venir te voir dans ton élément naturel! » Elle rit légèrement et desserre le cordon de son large sac en tissu, où se trouve les bottes à talons marron qu'elle vient d'acheter. Avec un sourire en coin, Debbie demande « Alors, que me conseillerais-tu pour aller avec mes nouvelles chaussures? »

Penché sur son ordinateur et ses mails, Adriel offre un sourire compatissant à sa vendeuse, qui revient à nouveau dans les rayons de vêtements, puis repasse avec d’autres vêtements, qui sont sans doute d’une autre taille. La cliente qui est là est particulièrement énervante, du genre à tout essayer et à hésiter pendant des heures, mais l’argent qu’elle finit par dépenser dans la boutique en vaut la peine. Pour autant, Adriel est ravi de ne pas être celui qui s’occupe d’elle aujourd’hui. S’il avait été seul dans le magasin, il n’aurait pas eu le choix mais aujourd’hui fait partie des journées où ils sont deux. Ce qui lui permet de prendre de l’avance – ou de rattraper son retard – sur tout ce qui est administratif. Ce n’est pas vraiment sa tasse de thé, mais il faut bien en passer par là, s’il veut que sa boutique puisse survivre et même être rentable.
Entre deux mails, il salue d’autres clients, leur propose un peu d’aide, et encaisse les quelques accessoires et vêtements qu’ils achètent. Loin du rush qu’il attend pour le mois de décembre et les fêtes de fin d’année, il vend tout de même quelques petites choses, ce qui lui fait toujours plaisir. A côté de ça, il organise les prochaines livraisons, qui vont justement venir remplir ses étagères pour Noël, avec certains objets à thème. Ses fournisseurs proposent différentes choses, et il observe tout ça, en évitant de penser à sa mère. Pendant la journée de travail, il est souvent tellement occupé que ce n’est pas bien compliqué. En revanche, il s’interroge de plus en plus quant à stopper complètement l’escrime en compétition, pour ne plus avoir à voyager. Il remet simplement la décision à plus tard, et se concentre sur le présent. La boutique. Les entraînements. Passer du temps avec sa mère. Son emploi du temps en ce moment n’est pas beaucoup plus rempli que ça. Mais ses parents sont ravis de le voir encore plus souvent que d’habitude. Et sans doute que ça lui fait du bien à lui aussi.
Après avoir finalement encaissé la cliente qui a passé facilement une demi-heure en cabine d’essayage, il aide sa collègue à ranger ce qu’elle n’a pas acheté. Une robe ici. Quelques t-shirts là-bas. Il est interrompu par une voix qui appelle quelqu’un. Une voix qu’il lui semble vaguement connaître, mais il peut facilement se tromper. Il passe d’un rayon à l’autre, et est surpris de trouver Debbie, dans l’entrée du magasin. S’il leur est arrivé de se voir ailleurs qu’à l’Outpost, elle n’est jamais venue jusqu’ici, à ce qu’il sache. Elle ne tarde pas à expliquer pourquoi elle est là, et Adriel sourit. « C’est vrai que c’est la première fois, bienvenue ! » Il s’approche d’elle pour la saluer, et c’est alors que son esprit fait le lien avec Vera. En général, il n’y pense pas plus que ça quand il est avec Debbie, sauf peut-être au tout début. Mais là, un doute nait dans son esprit. Ce n’est peut-être pas un hasard. « Tu veux vraiment des conseils ou tu es là pour espionner la concurrence à organiser son prochain coup bas ? » Même si Debbie a toujours dit vouloir être neutre, on ne sait jamais. Vera en serait capable. Surtout que cela fait quelques temps qu’il n’y a pas eu d’embrouille entre les deux boutiques. Sans doute est-ce normal, au vu de ce que Vera sait concernant sa mère. Mais on n’est jamais trop prudent.

La blonde sourit largement au propriétaire, qui a fait son apparition pour lui souhaiter la bienvenue. Elle est toujours en train d'observer les rayonnages, les t-shirts à messages lui attirant l'oeil pour d'éventuels cadeaux de fin d'année. Nul doute qu'il doit vendre des bodies qui feraient rire Gaby. Ou peut-être qu'elle peut trouver des plaisanteries douteuses pour amuser ses ami.e.s du LGBT Center. L'image de Jules, toujours apprêtée, parfaite petite gosse de riches avec une référence pop-culture étalée sur son haut la fait étrangement sourire. Elle risque fort de dévaliser ce cher Adriel, qui ne s'en plaindrait sans doute pas.

Debbie a bien conscience qu'il est un peu étrange de la voir là, les deux entretenant largement leur amitié des plus superficielles à l'Outpost, potentiellement autour d'un café. C'est la première fois que l'un d'eux fait un pas vers l'autre en dehors de cette petite bulle festive qui les enveloppe généralement et, visiblement, cela rend le jeune homme suspicieux. Pourtant, ce n'est pas faute de lui avoir répété à maintes occasions qu'elle n'a absolument rien à faire de la petite gueguerre qui l'oppose à Vera et qu'elle n'a pas l'intention de prendre parti. Certes, elle connaît sa rivale depuis plus longtemps. Et plus intimement. Mais, ça ne l'empêche pas d'apprécier son nouveau pote et de vouloir maintenir de bons rapports avec lui. Il lui semble vraiment urgent que les deux commerçants trouvent un moyen mature et raisonnable de vivre avec l'indéniable tension sexuelle au cœur de leur relation. N'en déplaise à Adriel, qui a toujours démenti la théorie de la comédienne. Mais elle en a vu d'autres. Et entendu d'autres.

Mais, elle n'est pas là pour jeter de l'huile sur le feu et entend bien prouver sa bonne foi. Non sans jouer de sa fibre dramatique. Prenant une mine faussement offusquée, la blonde lance un regard excessivement outré au propriétaire de la boutique et rétorque. « Comment oses-tu m'accuser de la sorte? Moi? » Portant sa main à son front, elle en rajoute encore un peu. « Je suis vexée. Offensée! De l'espionnage industriel, vraiment, tu me crois capable de telles bassesses? » Finalement, Deb ricane un peu et fait l'effort de le rassurer plus sincèrement « Non, honnêtement, tu sais que je ne veux pas me mêler de vos histoires, je ne parle pas de toi à Vera, elle ne me parle pas de toi. » Du moins plus. Trop. « J'étais vraiment dans les parages et j'avais vraiment envie de voir ta boutique. Qui est très sympa d'ailleurs, ça me donne des idées pour Noël. » Elle sourit doucement, désignant à nouveau son sac, d'un air plus taquin. « Alors, tu me proposes quoi? » Il ferait bien de saisir l'opportunité, avant que Debbie décide de ne pas dépenser son argent dûment gagné.

Adriel ne se serait pas attendu à voir Debbie ici un jour. Certes, leur amitié n’est pas limitée au bar dans lequel ils se sont rencontrés pour la première fois – ou plutôt ne l’est plus. Mais ils ne sont pas non plus très présents dans la vie l’un de l’autre. Elle sait qu’Adriel est propriétaire d’une boutique, bien sûr puisque c’est ainsi qu’ils ont réalisé qu’ils connaissaient tous les deux Vera – pas de la même façon cela dit. Tout comme Adriel sait qu’elle joue dans les Misérables à Broadway. Ils se parlent parfois de leurs galères ou de leurs petits bonheurs. Soit un verre d’alcool pour se changer les idées après une dure journée. Soit un verre pour fêter quelque chose. Donc ils savent forcément un peu ce qui se passe dans la vie l’un de l’autre, mais ils ne s’en sont jamais mêlés. C’est la première fois que leurs vies se croisent réellement.
Et c’est une bonne surprise. Du moins, c’est la première pensée qui vient à Adriel, avant qu’une autre ne s’immisce dans son cerveau. Avec Vera, il a appris à s’attendre au pire. Mais il n’est pas non plus bien sûr, d’autant que Debbie a toujours dit qu’elle resterait neutre, et l’a toujours fait jusqu’ici. Pourquoi cela aurait-il changé ? Elle pose une main sur son front et montre à Adriel toutes ses qualités d’actrice, alors qu’elle prétend être vexée qu’il la pense capable d’une chose pareille. Il secoue la tête en souriant quand elle éclate finalement de rire. Elle explique ensuite la raison de sa venue, et Adriel ne voit pas de raison de ne pas la croire. Tout comme il n’avait pas de réelle raison de penser qu’elle était là pour espionner pour le compte de la concurrence. « Bon d’accord, je te crois, pas besoin d’en faire trop. » Il rit, parce qu’il a l’habitude. Debbie est une actrice après tout, ça se voit. Et ça fait toujours rire Adriel aussi. « J’étais pas préparé à te voir ici, ça m’a complètement perturbé. » Il ponctue son faux aveu d’un mouvement de main. Il est loin d’être aussi bon acteur que l’est Debbie, mais il peut jouer aussi un peu. « Tu commences déjà ton repérage pour Noël ? Tu vas me faire sentir coupable de ne pas encore y avoir réfléchi du tout. » Et pourtant, il ne trouve pas qu’il soit en retard. La seule raison pour laquelle il pense déjà à Noël, c’est pour les commandes de la boutique, pas pour ses propres cadeaux. « Mais je suppose que je peux te proposer plein de choses. Tu as envie d’un cadeau pour quelqu’un en particulier ? » Tant que ce n’est pas pour Vera, il devrait pouvoir s’en sortir.

Adriel est visiblement rassurée par le petit cinéma de la blonde, voyant dans son dramatisme naturel une preuve de sa bonne foi, dont il s'amuse mais sur lequel il la reprend tout de même. Le gérant de la boutique n'est vraiment comme la plupart de ses amis, souvent issus du monde du spectacle ou des milieux LGBTQ+. Adriel est presque aux antipodes de cela: un athlète professionnel, plutôt chill. Un bro. Il est fascinant pour Debbie de s'être liée avec le genre de personnes qu'elle aurait fuit à toutes jambes au lycée. Et de découvrir un garçon sympathique, drôle, sociable. Vraiment, incroyable ce qu'on trouve quand on accepte l'idée que tous les hommes cis hétéro ne sont pas le diable incarné. Même si elle reste plutôt convaincue qu'il fait partie des exceptions qui confirment la règle, on ne se défait pas de décennies d'angoisse et de tout un système d'oppression en quelques bières.

Le propriétaire se ressaisit, oubliant toute idée d'espionnage industriel pour s'ébahir de l'organisation de la blonde. Elle lui adresse un clin d'œil amusé et se penche un peu vers lui, pour lui avouer la vérité « En vrai, ce qui se passe réellement la plupart du temps, c'est que je fais des courses pour moi et je vois un truc qui me fait penser à quelqu'un et si je suis d'humeur, je l'achète. Donc j'entasse des cadeaux de Noël/d'anniversaire toute l'année et des fois, je les oublie ou je les garde pour moi. Donc, finalement, je ne recommande pas forcément cette stratégie. » Elle rit un peu, repensant à quelques vêtements qui traînent dans son placard qui auraient dû être distribués pour diverses occasions. Mais c'est important de se faire plaisir aussi, après tout.

Debbie observe la rangée de t-shirts à messages au fond de la boutique, puis reporte son attention sur le vendeur. « Mmh, j'aime bien tes petits t-shirts, je pense que ça pourrait être sympa pour plusieurs amies à moi. T'as des trucs pour les jeunes mamans? Ou un truc drôle et un peu ironique pour une gosse de riches? » Désignant son large sac, elle ajoute. « Sinon, des petits accessoires pour aller avec mes nouvelles chaussures, mais ce serait un peu égoïste de ma part. » Pas forcément étonnant, au vu de ce qu'elle vient de confesser. « C'est quoi ton truc préféré ici toi? Genre tu le vendrais pas et tu le garderais pour toi si tu pouvais? » Après tout, Adriel est toujours bien habillé et semble avoir bon goût, ce peut être un bon indicateur.

Debbie ne semble pas lui en vouloir d’avoir supposé qu’elle était là pour espionner. Elle lui a toujours promis de rester neutre, alors Adriel a un peu remis sa parole en question. Mais il ne s’en veut pas complètement pour autant. Avec Vera, il sait qu’il pourrait s’attendre à tout, et qu’elle aurait pu convaincre son amie de l’aider. Mais si Debbie lui dit que ce n’est pas le cas, il peut bien la croire. Surtout qu’il existe une sorte de trêve entre Vera et Adriel, sans qu’ils l’aient dit en ces termes. Maintenant que le doute est écarté, Adriel peut discuter sans problème avec Debbie, et essayer de lui conseiller des petits cadeaux. Même si elle est quand même sacrément en avance pour Noël, ce qu’Adriel admire. Mais vu les explications que lui donne ensuite la blonde, il l’est un peu moins, mais toujours amusé en tout cas. « Disons que la technique peut être bonne, mais elle demande encore un peu de réflexion. Tu me diras si t’y arrives, pour que je m’en inspire. » Autant dire qu’il n’est pas certain de réussir, mais il peut toujours essayer. Ça lui simplifierait les choses quand arrivent les fêtes de fin d’année ou les anniversaires.
Pour l’instant, il peut déjà aider Debbie, surtout que ses demandes sont tout à fait réalisables. « Pour les jeunes mamans, j’ai quelques trucs oui, notamment des t-shirts assortis au body pour le petit. C’est une fille ou un garçon ? » Ce genre d’articles se vend toujours très bien, pour un cadeau de naissance ou pour le futur oncle, ou la future grand-mère. Bref, ça a toujours son succès, alors il en a toujours dans sa boutique. « Pour gosse de riche, j’ai un peu moins de trucs… mais si ça peut coller, y’a pas mal de choses en rapport avec les princesses ? » Si elle veut plaisanter sur l’argent de son amie, celle-ci peut aussi avoir quelques attitudes de princesses, et ça pourrait coller. Mais Adriel a l’habitude de conseiller, et il sait qu’il ne faut rien imposer, mais juste suggérer au plus près des attentes du client. Même si la cliente est une amie aujourd’hui. Il est toutefois pris au dépourvu par la question que lui pose Debbie. Quel objet est son préféré dans le magasin ? Il a déjà récupéré pour lui quelques vêtements qui lui plaisaient, mais aucun pour lesquels il se serait battu contre un client intéressé par le dernier exemplaire. « Huuum… Bonne question, tiens. » Il réfléchit un instant, avant de penser à quelque chose. « Ah si, viens voir ! » Il l’entraîne entre les rayons, jusqu’à la caisse, autour de laquelle il y a davantage de babioles. Il décale un présentoir pour le montrer à Debbie. Dessus, plusieurs modèles de bouchon de bouteille de vin à l’effigie de personnages célèbres. « Si j’étais plus amateur de vin que de bière, il m’en faudrait un à coup sûr. Après, j’aurais sans doute du mal à choisir entre le Hulk et celui de Tornade. » Il désigne tour à tour les deux personnages de comics, mais il y en a d’autres séries et films populaires. Ça aussi, il en vend pas mal. « Ça n’irait pas vraiment comme accessoire pour aller avec tes bottes, mais on peut explorer le magasin. »

Debbie rit légèrement face au pragmatisme du propriétaire, une qualité qu'elle apprécie chez ses amis. Rien de pire que les gens qui n'ont aucun sens des réalités. Elle rétorque avec un clin d'œil qui fait office de promesse des plus informelles. « Ca marche, je te présenterai une petite fiche Excel avec le nombre de cadeaux gardés, ceux distribués et ceux que j'ai quand même acheté au dernier moment. » Ce serait en vérité une assez bonne initiative, mais la blonde doute même d'avoir le logiciel sur son ordinateur. Elle a beau toujours remplir sa déclaration d'impôts en temps et en heure et utiliser une appli de budget, elle n'en reste pas moins une âme créative. Qui n'a jamais appris à utiliser un tableur.

Adriel pose alors une question fatidique mais évidente, à laquelle Debbie n'a malheureusement pas la réponse. « Figures-toi que je n'en sais rien! Elle ne m'a pas dit et je n'ai pas demandé, j'imagine qu'elle garde la surprise, au moins pour les autres. Du coup, tu as quelque chose de neutre? » Après tout, les questions autour des clichés de genre et de la non-binarité se démocratisent, il doit y avoir plus d'un parent moderne qui ne veut pas asséner du rose ou du bleu à ses marmots. Et si le jeune homme n'a encore rien pour ce public, Debbie se voit ravie de lui offrir sur un plateau ce micromarché. C'est qu'elle aurait presque raté sa vocation!

La blonde s'esclaffe à nouveau, imaginant Jules dans un petit attirail de princesse. « Oh oui, ce serait parfait, surtout si tu as genre, un petit diadème? » C'est peut-être trop en demander, mais qui ne tente rien n'a rien, comme on dit. Adriel est bon commerçant, elle doit le reconnaître et quand il lui désigne son objet favori, la comédienne ne peut que porter une main à sa poitrine avec un faux air mélodramatique. « Oh mon Dieu, c'est génial! » Abandonnant ses petites mimiques, elle ajoute. « Non sérieusement, j'adore et je crois que je consomme assez de vin blanc pour justifier d'en acheter un, même si ça ne va pas avec mes bottes. » Elle fait défiler les différentes effigies, ricanant devant quelques personnages cultes, avant de finalement s'arrêter sur l'évidence. « Je crois que pour moi ce sera Ursula, on a clairement pas les mêmes références culturelles, mais c'est vraiment parfait! » A son grand regret, la blonde n'a absolument pas la tessiture de voix idéale pour chanter l'iconique chanson de la méchante la plus fab de Disney, mais ça ne l'empêche pas de s'y adonner régulièrement.

Faisant tourner l'objet entre ses mains, elle sourit à son ami et ajoute « Mais je veux bien visiter le reste de la boutique! Clairement, tu as le sens des affaires, donc ça risque d'être un bon jour pour toi. » D'autant que Debbie est d'humeur dépensière en cette saison presque festive et qu'il a l'air d'avoir un tas de trucs chocs, de trucs chouettes, des couics et des couacs à gogo.

Même si Debbie lui révélait vraiment ses secrets pour réussir à faire des cadeaux à l’avance et efficacement, Adriel n’est pas certain qu’il parviendrait à les appliquer. Certaines habitudes sont difficiles à perdre après tout. Faire les choses qui lui déplaisent à la dernière minute en est une qu’il a depuis trop longtemps. Et il ne pense pas commencer à apprécier faire des cadeaux tout de suite. « Rien qu’imaginer toutes les cases, j’ai déjà envie d’abandonner. Donc je crois que ce n’est pas la peine que tu t’embêtes trop pour moi. » S’il est un cas désespéré pour ça, il peut cependant l’aider à trouver les cadeaux qu’elle veut. D’autant que ça sera une bonne chose pour lui aussi, s’il peut faire un peu plus de chiffre aujourd’hui.
La première demande n’est pas bien compliquée. Les cadeaux pour les jeunes parents font partie des demandes régulières, aussi il a toujours ce qu’il faut dans ses étagères. « Oh je pensais qu’il ou elle était déjà né, mais bien sûr que j’ai des choses neutres. » Même une fois que le bébé est né, certains préfèrent. Alors forcément, Adriel s’adapte à la demande, et affine son stock au fur et à mesure, même si les collections varient un peu. Pour la seconde idée de Debbie, il improvise un peu plus, mais semble taper dans le mille, puisqu’elle parle même d’accessoires pour compléter le look. « Je crois qu’il m’en reste un peu dans le coin enterrement de vie de jeune fille. » Il n’est pas certain, mais ça vaut le coup de vérifier. Enfin d’abord, il réfléchit à la question un peu compliquée de Debbie, et l’amène vers l’objet qu’il préfère dans son magasin. Et visiblement, il n’est pas le seul à apprécier les petits personnages transformés en bouchon de bouteille, puisque Debbie trouve ça génial. Il sourit, content de partager ça avec elle, et aussi d’avoir fait mouche. Il n’est pas mauvais là-dedans. Tant mieux, si ça doit devenir sa principale source de revenus. Elle choisit une figurine de Disney, notant qu’ils n’ont pas les mêmes références. En effet, elle est plutôt comédies musicales et dessins animés, alors que lui adore les comics et films de super héros. Deux mondes différents. Mais ça ne les empêche pas d’être amis. « Ça m’aurait étonné que tu choisisses Iron Man en effet. » Dit-il en riant. « Mais tu choisis une méchante, c’est original. » Il prend la petite figurine et la pose derrière la caisse, pour la réserver à Debbie, le temps qu’ils aillent voir le reste du magasin.
« Dire que je pensais que tu venais espionner ! Si c’était le cas, tu ferais vraiment une piètre espionne. » Venir chercher des informations et finalement remplir la caisse de la personne espionnée. On a connu meilleure technique. Mais il préfère qu’elle soit venue pour faire du shopping que pour fouiner pour Vera. « Allons-y alors, mademoiselle. » Il lui tend le bras pour qu’elle le lui prenne, comme s’ils partaient en promenade. Il n’est pas aussi expressif d’habitude, mais il sait que Debbie l’est, alors il en rajoute. « Direction les bodys pour bébé ? »

Debbie ricane allégrement, imaginant déjà le pauvre garçon se prendre la tête devant un tableau complexe, empli d'annotations diverses sur la qualité et l'originalité des cadeaux. Pour un chef d'entreprise, il n'a pas l'air trop branché paperasse, mais ce n'est pas la blonde qui va lui en tenir rigueur. « Bah c'est trop de boulot, je l'aurais sûrement pas fait de toute façon! » Après tout, elle a déjà un emploi du temps assez chargé comme ça, nul besoin de s'ajouter des tâches somme toute, inutiles.

Adriel lui assure ensuite avoir une sélection de vêtements pour bébés non genrée, ce qu'elle apprécie. Elle n'a jamais douté que son compagnon de beuverie était un bon gars, mais sur ce genre de sujets, les gens peuvent vite nous décevoir. Et peut-être que ce n'est que pour être dans l'air du temps et assurer ses ventes, mais cela veut au moins dire que ce n'est pas un évangéliste sous couverture. Peu probable, mais une éducation penchant un poil vers la bigoterie l'a rendue un poil paranoïaque. Et en plus, il a même une couronne, peut-être, vraiment l'homme idéal pour sa situation actuelle!

Ils ne se dirigent toutefois pas vers la section enterrement de vie de jeunes filles, que Debbie est curieuse de voir, mais vers son objet favori. Les deux compères rient un peu de leur choix et la blonde surenchérit, ne voulant pas passer pour une geek de comédies musicales complètement ringardes (ce qu'elle est néanmoins) « Hey, j'aime bien Marvel! Mais à choisir, je serais plutôt Guardians of the Galaxy, c'est plus rigolo. Et puis Grooooooot! » Elle joint à sa voyelle étirée une petite moue attendrie, nulle autre réaction n'étant appropriée en pensant à ce petit arbre de l'espace. « Même si oui, j'aime bien les méchants de Disney, peut-être parce qu'ils sont toujours codés comme queer et ça m'a parlé. Ou peut-être parce que je ne pourrais jamais vraiment jouer Ursula et on veut toujours ce que l'on a pas! » Blonde, mignonne, paraissant jeune pour son âge, avec de belles notes dans les aigus… Le type casting est tout trouvé, même si, n'étant pas mince et grande, elle s'est retrouvée plus d'une fois à jouer Bonne Copine n°1 plutôt que l'ingénue. Ainsi va le show business.

Une nouvelle fois, le propriétaire des lieux s'étonne qu'elle ne soit pas venue espionner et elle roule les yeux avec un sourire. « Si j'avais voulu espionner, tu ne le saurais même pas! J'aurais envoyé un émissaire, je ne suis pas stupide. » Non pas qu'elle y ai réfléchi, mais cela lui semble bien plus logique. Amusée par l'attitude guillerette du plutôt sérieux Adriel et passe son bras sous le sien avec un petit sourire, tendant un bras déterminé vers les rayons de la boutique. « En avant pour les bodys! Mais je n'oublie pas la couronne et qui sait ce qui va me faire envie. Il faut que j'achète pour combien pour avoir droit à une petite ristourne amicale dis-moi? » Elle plaisante bien sûr, même si elle ne dirait pas non, évidemment. La comédienne n'est pas mal payée, certes, mais on ne se débarrasse pas de réflexes de pauvre comme ça. Toute promo est bonne à prendre!