Cet appel qui la tourmente, fait marcher son cerveau a 1000 à l’heure. Est-ce qu’elle doit accepter ou refuser. Sa fille qui joue à ses côtés, elle se dit que ce serait mieux. Elle a imposé ses conditions Lizbeth, travailler partiellement le soir et tout les midis. Pour voir Roxanne grandir. Pour la voir évoluer comme la petite fille exceptionnelle qu’elle est. Elle se fait un café, les yeux perdus sur le grand jardin de sa maison, la ou la balançoire se balance au gré du vent, la où elle voit Roxanne qui joue. Ses pensées sont perturbées par le bruit de son téléphone qui sonne, un appel de sa mère. Elle sait qui est au bout du fil, Roxanne. Elle s’arme de son sourire de maman qui ne veut pas inquiéter et elle écoute sa fille qui lui raconte sa journée au parc d’attraction. Elle ne cesse de sourire encore et encore, regarde sa fille qui s’exulte de cette journée, et Lizzie a le cœur qui bat un peu trop fort, parce qu’elle n’était pas là. Parce qu’elle travaille. Elle ne peut pas prendre des vacances comme elle le veut. Elle travaille encore et encore. Quand la petite rend le téléphone à sa mère, Lizbeth lui dit que ça va et elle raccroche parce qu’elle n’a pas le temps. Enfin elle l’a, le temps, mais elle ne veut pas le prendre pour parler à sa mère. Son téléphone qu’elle balance d’un air agacé sur le plan de travail, elle fait le ménage de la maison, lance une lessive et prend des nouvelles de Katie qui est partie en vacances. Elle n’a parlé à personne de cette proposition d’emploi, personne n’est au courant. Et elle se dit que peut-être c’est un signe du destin, elle qui voulait évoluer, elle qui voulait quitter cet endroit où le machisme est roi. Mais est-ce que c’est une bonne idée. Elle n’en sait rien, c’est quand la bouilloire siffle qu’elle sort de ses pensées en entendant la porte qui claque. Elle sait que c’est son frère. Elle troque sa tasse de thé et sort deux verres de vins, qu’elle remplit avant d’en tendre un à Gaspard. « J’ai eu un appel de Roxanne, elle était ravie d’être allé à Six Flags, et elle a vu pleins d’animaux. Elle m’a aussi dit que maman lui avait acheté des glaces et qu’elle avait vu des bébés ours, elle est ravie. Mais elle me manque. Elle te dit bonjour, et de ne pas lui voler tout les bonbons. Et j’ai écourté avec Maman. Comme d’habitude. » avoue Lizzie avec un petit sourire en coin sur le visage, avant de trinquer avec son frère pour finir par boire une gorgée de son vin. « Comment tu vas toi ? Tu as des nouvelles de l’autre ? Enfin… de Kate ? » Parce qu’ils ne font que se croiser et ça devient un peu agaçant, mais Lizzie est là pour son frère et il le sait, c’est sûrement le principal.

Gaspard a enfilé un costume et une cravate pour la première fois depuis des mois. Il est allé rencontrer Mitchell Harrison, le Procureur adjoint de New-York, qui l’a écouté avec attention remettre en perspective son burn out et son changement de carrière. Il ne sait pas si on va lui offrir un poste, s’il va reprendre cette voie, mais le vieil homme l’a toujours couvé et il l’imagine un peu comme son mentor. Aller le voir semblait la suite logique à ses réflexions personnelles. Après son entretien, il est allé se promener dans les rues de New-York, quittant sa cravate pour s’offrir une glace, puis un taxi jusqu’à Staten, où il rejoint Liz, qui l’attend de pied ferme - avec un verre de vin. Il lui offre un sourire et embrasse sa joue tandis qu’elle lui fait le compte rendu de l’appel téléphonique qu’elle vient de recevoir tout en mettant son nez dans son verre pour apprécier l’odeur du nectar qui s’en dégage.

- Maman me harcèle aussi, dans trois jours elle débarque chez toi ou chez moi en faisant sa drama queen parce que ses deux enfants l’ignorent. Il faut que je la rappelle.

Il n’a certainement pas envie que sa mère apprenne sa crise de couple en se pointant dans les parages.

- Quelques nouvelles de temps en temps, oui. Comme on a pas fait d’annonce, il faut bien qu’on fasse semblant de temps à autre. Et comme je ne sais pas quoi faire...

Well, il est perdu, et encore le mot est faible.

- Et toi, tout va bien ?

Vivre avec son frère aurait pu être, pour d’autres, une idée saugrenue et surtout une très mauvaise idée, mais en dépit de l’attitude surprotectrice de leurs mères, les Walsh ont toujours été soudés, dans les conneries comme dans les épreuves, dans leurs façons de rendre fou leurs parents. Il n’y a bien que l’aînée qui a décidé de suivre les directives de parents (surtout d’une mère) psycho-rigides, laissant soin à ses deux cadets, de partir en roue libre s’ils le désiraient. Ce qu’ils avaient fait, bien évidemment, déviant avec panache du chemin tout tracé que leur offraient leurs parents. S’ils avaient respectés les envies et les désirs de leurs parents, Lizbeth aurait dû être une grande pédiatre renommée, et Gaspard un brillant avocat. Peut-être que son frère est revenu dans le droit chemin, mais Lizbeth ne compte pas quitter ses cuisines incessamment sous peu. Et voir son frère chaque soir lui procurait une sensation de bien-être et d’apaisement, une espèce de routine qui lui faisait du bien dans le chaos qu’était sa vie sur le moment.

- Papa va tamporiser comme d’habitude… Mais oui, et demain, si elle me rappelle, ou plutôt si elle fait appeler Roxanne pour m’avoir par la suite, je ferais un effort de lui parler plus que deux minutes.

Parce que l’entendre se plaindre, ça va bien une fois, mais Lizbeth n’avait pas le coeur, et encore moins l’esprit à entendre les jérémiades de sa mère sur des choses diverses et variées, quand ce ne sont pas des choses futiles comme son club de bridge qui a décidé de ne pas ouvrir samedi soir. Sa mère peut-être quelqu’un d’adorable comme quelqu’un de très pénible et Lizbeth, elle n’a pas toujours les épaules pour supporter cela. Une gorgée de vin avalée, elle maintenait son verre dans la main et regardait son frère

- Oui… je comprends. Commence Lizbeth en grimaçant un peu. Tu l’aimes toujours ? Enfin … je n’ai aucun conseil à te donner quand on sait que je suis une mère célibataire qui n’arrive pas à lâcher du leste et à autoriser le père de ma… fi- de Roxanne à la voir sans moi.

Ça a toujours été compliqué dans l’esprit de Lizzie de se dire qu’elle pouvait faire confiance à Adriel. Elle voudrait, vraiment, mais elle avait du mal à lâcher cette bride qu’elle s’appliquait à tenir pour ne pas perdre le contrôle, pour ne pas sentir sa fille qui lui échappe comme Adriel a pu lui échapper. À l’époque. Elle souffle un peu à sa question et prend une nouvelle gorgée de vin.

- Je ne sais pas si ça va. Enfin si, en surface, ça va. Mais… j’ai reçu un appel qui me propose un poste. Toujours à Manhattan. Ils m’ont demandé si j’avais des envies particulières concernant mes horaires, qu’ils me faisaient confiance. Que je les impressionnais par ma cuisine… mais j’ai l’impression que c’est trop beau pour être vrai. Alors je ne sais pas quoi faire.